Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/193

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sa maison par le mariage de son fils, que j’ai expliqué à propos de Mme de Vaudemont.

Tous les troubles finis, le cardinal Mazarin maître, le roi marié et ne bougeant de chez la comtesse de Soissons avec l’élite de la cour, de l’esprit, de la galanterie, du bon goût, des intrigues, parut le prince de Marcillac avec une figure commune qui ne promettoit rien et qui ne trompoit pas. Sans charge, sans emploi, portant encore sur le visage des marques du combat du faubourg Saint-Antoine, fils d’un père à qui le roi n’avoit jamais pardonné, et qui sans approcher de la cour faisoit à Paris les délices de l’esprit et de la compagnie la plus choisie, ce fils ne fit peur à personne de ce qui environnoit le roi. Je ne sais comment cela arriva, et personne ne l’a pu comprendre, à ce que j’ai ouï dire à M. de Lauzun, qui pointoit fort dès lors, et aux vieillards de son temps, mais en fort peu de jours il plut tellement au roi dont, au milieu d’une cour en hommes et en femmes si brillante, si polie, si spirituelle, le goût n’étoit pas fin ni délicat, qu’il lui donna des préférences qui inquiétèrent Vardes, le comte de Guiche, et les plus avant dans la privance du roi. Cette affection alla toujours croissant, jusque-là que le père de concert avec son fils se roidit à ne se point démettre de son duché pour en tirer par cette adresse, le rang de prince étranger, qu’il ne se consoloit point d’avoir vu arracher aux Bouillon avec cet immense échange, et tirer ces grands établissements des mêmes crimes qui lui étoient communs avec eux, parce qu’ils avoient plus effrayé que lui. Cet artifice néanmoins échoua, et ne les mena qu’à l’inutile distinction d’être traités de cousin. Mais le fils tira de sa faveur la charge de grand maître de la garde-robe que le roi avoit faite pour Guitry, tué sans alliance au passage du Rhin, et celle de grand veneur à la mort de Soyecourt, que le roi lui apprit lui-même par ce billet dont on lui fit tant d’honneur, qu’il se réjouissoit comme son ami de la charge qu’il lui donnoit