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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/200

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n’y vint point, et qui jusque-là, quoique aveugle, n’en avoit point encore manqué de voyage. Ce jour-là même, M. de Torcy alla à Paris, d’où il partit tout de suite pour la Hollande dans le plus grand secret. Je ne sais comment M. de Lauzun l’écuma ; mais je le vis le lendemain matin dans le salon accoster le duc de Villeroy et deux ou trois autres, à qui il demanda s’ils n’avoient point vu M. de Torcy qui lui dirent que non. « Il est pourtant revenu hier au soir fort tard de Paris, leur répondit-il, et je sais qu’il aura des choses singulières aujourd’hui à son dîner, que je ne veux pas vous dire. Je compte bien d’en aller manger ma part ; vous devriez bien y venir. » Ils donnèrent dans le panneau. Torcy faisoit une chère fort délicate, et il étoit sur le pied qu’il n’alloit chez lui que la meilleure compagnie, et sans prier. Les dupes y furent tard, parce qu’il dînoit tard à Marly, et travailloit jusqu’à ce qu’il fût servi. Ils trouvèrent la porte fermée ; ils frappèrent ; point de réponse. Enfin ils s’aperçurent qu’il n’y avoit personne, et tous les uns après les autres les voilà à pester contre M. de Lauzun, et leur sottise d’avoir donné dans cette bourde, et à chercher où dîner ; et le soir M. de Lauzun à leur demander s’ils avoient fait bonne chère chez Torcy, et à se moquer d’eux. Cette plaisanterie, qui se répandit dans Marly, fit qu’on y sut plus tôt le voyage de Torcy que le roi n’auroit voulu.

La Vallière eut en ce même temps cent cinquante mille livres de brevet de retenue sur son gouvernement de Bourbonnois, que son père avoit eu pendant la faveur de Mme de La Vallière la carmélite.

Il se fit aussi trois mariages : le prince de Lambesc, fils unique du comte de Brionne, qui étoit fils aîné de M. le Grand, épousa la fille aînée du feu duc de Duras, frère aîné du maréchal-duc de Duras d’aujourd’hui, tous deux fils du feu maréchal-duc de Duras, qui étoit belle comme le jour, très bien faite et fort riche. Elle n’avoit qu’une sœur, qui épousa depuis le comte d’Egmont. Le procédé qu’eut M. le