Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/201

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Grand, quelque temps après ce mariage, mérite de n’être pas omis. La duchesse de Duras, leur mère, étoit en procès avec son beau-frère pour les biens de ses filles ; elle prétendoit beaucoup, et poussoit l’affaire avec grand soin. M. le Grand refusa tout net de la solliciter, défendit à tous ses enfants de le faire, à sa petite-belle-fille elle-même, dit que s’il le pouvoit honnêtement, il solliciteroit pour le duc de Duras ; qu’il n’avoit pas pris sa nièce pour le ruiner et sa maison ; que sa belle-petite-fille étoit assez riche pour que trois ou quatre cent mille livres de plus ou de moins ne lui fussent pas moins considérables que d’avoir un oncle paternel et chef de sa maison ruiné. L’autre procédé fut pour les partages entre les deux sœurs. Il voulut que l’abbé de Lorraine, son fils, mort évêque de Bayeux, fût présent à tout, et le chargea de céder et de faire régler en faveur de la cadette tout ce qui pouvoit être litigieux, parce qu’il trouvoit sa petite-fille assez riche ; mais qu’il ne lui étoit pas indifférent à lui, après l’avoir fait épouser à son petit-fils, que sa sœur la demeurât assez pour faire une alliance qui leur fût à tous convenable. La vérité [est] que c’est là penser et agir avec grandeur, car tout fut exécuté de la sorte ; mais il est vrai aussi que Mme d’Armagnac étoit morte, qui n’auroit pas laissé faire M. le Grand.

Le duc de Tresmes maria son fils aîné, le marquis de Gesvres, avec Mlle Mascrani, prodigieusement riche. Elle n’avoit ni père, ni mère, ni frère, ni soeur. Son père avoit été maître des requêtes, sa mère étoit sœur de Caumartin, ami intime du duc de Gesvres, qui fit ce mariage, lequel bientôt après se tourna fort étrangement, et donna au public des farces fort singulières.

Mlle de Jarnac, aussi sans père ni mère, aussi fort riche, et du nom de Chabot, épousa un cadet de Montendre, de la maison de La Rochefoucauld, qui n’avoit ni biens, ni figure, mais beaucoup d’esprit et fort orné, [beaucoup] d’amis et d’envie de faire. Ce fut elle qui, ayant l’âge de disposer d’elle,