Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/203

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Lorsque Henri IV parvint à la couronne et à en jouir, Joanne devint jardinier de Chambord, et par succession concierge, mais concierge nettoyeur et balayeur, comme sont ceux des particuliers, et non pas comme le sont devenus ceux des maisons royales. Son fils peu à peu se mit sur ce dernier pied ; mais, toutefois sentant encore le valet, et s’y enrichit pour son état. Cela lui fit épouser une sœur de Mme Colbert, dont le père étoit un bourgeois de Blois qui s’appeloit Charon, dont le petit-fils, par la fortune de M. Colbert, devint intendant de Paris, eut la terre de Ménars, et est mort président à mortier ; peu éclairé, mais fort bon homme et fort honnête homme et fort droit. Lors du mariage de Saumery, c’étoit encore la petite bourgeoisie de Blois, et M. Colbert un très-petit garçon. Arrivé dans la confiance et les affaires du cardinal Mazarin dont il fut intendant, il y donna accès à Saumery son beau-frère, et lui procura de petits emplois dans les troupes, où il montra de la valeur. Devenu personnage, il le protégea tant qu’il put, suivant sa portée si nouvelle, et le fit enfin gouverneur et capitaine des chasses de Chambord et de Blois. Il laissa deux fils entre autres et deux filles. Monglat, chevalier de l’ordre en 1661, et maître de la garde-robe, dont nous avons de si bons Mémoires, se trouvant ruiné, espéra tout de M. Colbert en mettant son fils dans son alliance. Il avoit eu Cheverny, de sa femme, petite-fille du chancelier de Cheverny, dont ce fils portoit le nom. Il le maria à la fille de Saumery. Chambord et Cheverny ne sont qu’à cieux lieues. C’est le même Cheverny qui eut des emplois au dehors, qui fut menin de Monseigneur et attaché à Mgr le duc de Bourgogne, dont j’ai parlé quelquefois. Des deux fils, l’aîné étoit un grand homme, très-bien fait, et d’une représentation imposante, qui avoit été estropié d’un genou en un de ces combats de M. de Turenne. Il n’avoit été que subalterne quelques campagnes, et se retira chez lui, où il se recrépit d’une charge de grand maître des eaux et forêts. Il épousa une fille de Besmaux, gouverneur de la