Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/228

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celui qui portoit le poids des finances et que cela devoit soulager de quelques millions, opina en méfie sens et avec la même force.

Nonobstant de si bonnes raisons et si évidentes, le roi persista à vouloir non pas forcer personne, mais recevoir la bonne volonté de ceux qui présenteroient leurs vaisselles, et cela fut déclaré ainsi et verbalement, et on indiqua deux voies à faire le bon citoyen : Launay, orfèvre du roi, et la Monnaie. Ceux qui donnèrent leur vaisselle à pur et à plein l’envoyèrent à Launay, qui tenoit un registre des noms et du nombre de marcs qu’il recevoit. Le roi voyoit exactement cette liste, au moins les premiers jours, et promettoit à ceux-là, verbalement et en général, de heur rendre le poids qu’il recevoit d’eux quand ses affaires le lui permettroient, ce que pas un d’eux ne crut ni n’espéra, et de les affranchir du contrôle, monopole assez nouveau, pour la vaisselle qu’ils feroient refaire. Ceux qui voulurent le prix de la leur l’envoyèrent à la Monnaie. On l’y pesoit en y arrivant ; on écrivoit les noms, les marcs et la date, suivant laquelle on y payoit chacun à mesure qu’il y avoit de l’argent. Plusieurs n’en furent point fâchés pour vendre leur vaisselle sans honte, et s’en aider dans l’extrême rareté de l’argent. Mais la perte et le dommage furent inestimables de toutes ces admirables moulures, gravures, ciselures, de ces reliefs et de tant de divers ornements achevés dont le luxe avoit chargé la vaisselle de tous les gens riches et de tous ceux du bel air.

De compte fait, il ne se trouva pas cent personnes sur la liste de Launay, et le total du produit en don ou en conversion ne monta pas à trois millions. La cour et Paris, encore