Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/258

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si fort dans le goût de Mme de Maintenon la prévint favorablement pour son hôtesse. Ses gens, charmés d’elle, s’empressèrent à lui raconter tout ce qu’elle avoit fait après Neerwinden pour les officiers et les soldats blessés, la libéralité, le bon ordre de sa maison, et à lui vanter sa piété et ses bonnes œuvres.

Une bagatelle heureuse, et heureusement prévue, toucha tout à fait Mme de Maintenon. En un instant le temps passa d’une chaleur excessive à un froid humide et qui dura longtemps ; aussitôt une belle robe de chambre, mais modeste et bien ouatée, parut dans un coin de sa chambre. Ce présent, d’autant plus agréable que Mme de Maintenon n’en avoit point apporté de chaude, ne lui en parut que plus galant par la surprise, et par la simplicité de s’offrir tout seul.

La retenue de Mme Voysin acheva de la charmer. Souvent deux jours de suite sans la voir, non pas même à son passage. Elle n’alloit chez elle que lorsqu’elle l’envoyoit chercher, à peine s’y vouloit-elle asseoir ; toujours occupée de la crainte d’importuner, et de l’attention à saisir le moment de s’en aller. Une telle circonspection, à quoi Mme de Maintenon n’étoit pas accoutumée, tint lieu du plus grand mérite. La rareté devint la source du désir, qui attira à l’habile hôtesse les agréables reproches qu’elle étoit la seule personne qu’elle n’eût pu apprivoiser. Elle prit un véritable goût à sa conversation et à ses manières. Mme Voysin ne s’ingéra jamais de rien, même après qu’elle fut initiée, et finalement plut si fort à Mme de Maintenon, dans ce long séjour qu’elle lit chez elle, qu’elle s’offrit véritablement à elle, et lui ordonna de la voir toutes les fois qu’elle irait à Paris. Il parut toujours plus d’obéissance dans l’exécution que d’empressement, et [elle] réussit de plus en plus par ses manières si respectueuses et si réservées. Le voyage de Flandre de 1693 donna un nouveau degré à cette amitié, qui valut, l’année suivante, une place de conseiller d’État à