Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/26

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demander tout ce qu’il voudroit, et d’être sûr de l’obtenir à l’heure même ; et le maréchal toujours retranché dans la même modestie. Le roi insista encore pour qu’il lui demandât, pour lui et pour sa famille, tout ce qu’il pouvoit désirer, et le maréchal persista à se trouver trop magnifiquement payé de ses bontés et de son estime. « Oh bien ! monsieur le maréchal, lui dit enfin le roi, puisque vous ne voulez rien demander, je vais vous dire ce que j’ai pensé, afin que j’y ajoute encore quelque chose, si je n’ai pas assez pensé à tout ce qui peut vous satisfaire : je vous fais pair, je vous donne la survivance du gouvernement de Flandre pour votre fils, et je vous donne les entrées des premiers gentilshommes de la chambre. » Son fils n’avoit que dix ou onze ans. Le maréchal se jeta aux genoux du roi, comblé de ses grâces pardessus toutes espérances ; il eut aussi en ce même moment la survivance pour son fils des appointements du gouvernement particulier de Lille. Le tout ensemble passe cent mille livres de rente.

Ces trois grâces, si bien méritées, étoient uniques alors, chacune dans leur genre. Celle à laquelle le maréchal fut le plus sensible, quoique touché de toutes au point où il devoit l’être, fut la première.

La porte en étoit fermée depuis longtemps ; le roi s’étoit repenti de ces quatorze pairs qu’il avoit faits en 1663 [1], tous ensemble, qui l’engagèrent aux quatre qu’il ajouta en 1665. Il s’étoit déclaré qu’il n’en feroit plus. De là les ducs vérifiés ou héréditaires qu’il fit depuis, que les ignorants ont crus de son invention, et qui sont de toute ancienneté, mais dont il n’y avoit plus [2]. Bar n’a jamais été autre, les trois Nemours, Longueville, Angoulême, Étampes et je ne sais combien d’autres. L’archevêque de Paris, par sa faveur et par sa parole, et le duc de Béthune, par le billet qu’il avoit de sa

  1. Voy., sur cette création de pairs, t. Ier, p. 449.
  2. Voy., sur les ducs vérifiés, t. Ier, p. 129, note.