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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/262

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dame, l’entretint de l’ancienne connoissance de Flandre, et la pensa faire rentrer sous terre. De là, se dérobant à toute la cour, elle regagna son carrosse et Paris pour y donner ordre à tout, et se mettre en état de ne plus quitter son mari à qui plus que jamais elle étoit nécessaire auprès de Mme de Maintenon, et à porter l’abord du monde et le poids délicat de la cour qui s’empressa autour d’eux avec sa bassesse ordinaire, et jusqu’à Monseigneur se piqua de dire qu’il étoit des amis de Mme Voysin depuis leur connoissance de Flandre. Il oublia ainsi de s’être mépris pour d’Antin, et d’Antin lui-même se fit un de leurs plus grands courtisans. Vaudemont et ses nièces, si intimes de Chamillart, s’oublièrent auprès d’eux moins que personne, et avec les plus grands empressements.

La Feuillade, ce gendre si chéri, avoit gardé le secret, à Meudon, de l’avis qu’il avoit reçu par le billet de son beau-père. Dès le lundi matin, l’air libre et dégagé, il vint prier le roi, qui alloit à la messe, de se souvenir qu’il avoit donné sa vaisselle, et de lui conserver le logement que Chamillart lui avoit donné. Le roi ne répondit que par un froid et méprisant signe de tête. Son maintien ne réussit pas mieux dans le public, et tout à la fin de la matinée, il se résolut enfin d’aller à l’Étang.

J’y allai au sortir de table avec Mme de Saint-Simon et la duchesse de Lauzun. Quel spectacle ! une foule de gens oisifs et curieux, et prompts aux compliments, un domestique éperdu, une famille désolée, des femmes en pleurs dont les sanglots étoient les paroles, nulle contrainte en une si amère douleur. À cet aspect, qui n’eût cherché la chambre de parade et le goupillon pour rendre ce devoir au mort ? On avoit besoin d’effort pour se souvenir qu’il n’y en avoit point, et pour ne trouver pas à redire qu’il n’y eût point de tenture et d’appareil funèbre ; et on étoit effrayé de voir ce mort, sur qui on venoit pleurer, marcher et parler d’un air doux, tranquille, le front serein, sans rien de contraint