Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/267

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nouveau. Il se fâcha de voir un homme de robe vouloir à l’avenir décider sur la guerre, et le prétendre comme un apanage de sa place, tandis qu’il la donnoit principalement à la robe pour en savoir plus qu’eux et pouvoir compter tout faire. Il se redressa d’un pied, et prenant un ton de maître, lui dit qu’il voyoit bien qu’il étoit neuf, de prétendre décider de quelque chose ; qu’il vouloit donc qu’il apprît, et de plus qu’il retint bien pour ne l’oublier jamais, que sa fonction étoit de prendre ses ordres et de les expédier, et la sienne à lui d’ordonner de toutes choses, et de décider des plus grandes et des plus petites. Il prit ensuite les projets, les examina, prescrivit la réponse que bon lui sembla, et renvoya sèchement Voysin, qui ne savoit plus où il en étoit, et qui eut grand besoin de sa femme pour lui remettre la tête, et de Mme de Maintenon pour le raccommoder, et pour l’endoctriner mieux qu’elle n’avoit encore eu loisir de faire.

Cette romancine fut suivie d’un autre chagrin, aussi nouveau dans cette place que contraire au goût, à l’esprit, aux maximes et à l’usage du roi. Il défendit à Voysin de rien expédier sans le maréchal de Boufflers, et ordonna à celui-ci de tout examiner, tellement qu’on vit aller continuellement le maréchal et le nouveau ministre l’un chez l’autre, et plus souvent le dernier portant le portefeuille chez le maréchal, et les deux commis des lettres les porter tous les jours, une et souvent plusieurs fois chez lui, avec le projet des réponses auxquelles le maréchal effaçoit, ajoutoit et corrigeoit ce qu’il jugeoit à propos. L’humiliation étoit grande pour un ministre d’avoir sans cesse à présenter son thème à la correction d’un seigneur qui n’entroit point dans le conseil, et qui n’alloit point commander d’armée. Une fonction si haute et si singulière mit le maréchal dans une grande privance d’affaires avec le roi, et dans une considération éclatante, ajoutée encore à celle où Lille l’avoit mis, et à la part publique qu’il avoit eue à la disgrâce de Chamillart. Voysin fut souple, et sûr de Mme de Maintenon, et