Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/290

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qu’elle déconcerta le duc, bien qu’elle n’eût rien d’offensant. Cet incident acheva de les éloigner l’un de l’autre, et Beauvilliers conséquemment.

Une bagatelle de discussion entre un garde du corps et un chevau-léger de la garde avoit commencé cet éloignement il y avoit deux ou trois mois. Le maréchal de Boufflers, impatienté des longs raisonnements du duc de Chevreuse, étoit venu chez moi m’exposer l’affaire et me prier de lui en dire mon sentiment ; et comme dans le vrai il n’y avoit pas ombre de difficulté pour le garde, et que je le dis franchement au maréchal, il voulut que j’en parlasse au duc de Chevreuse. Je le fis et je ne pus le persuader. Dans ce mécontentement que Boufflers prit aussi avec trop d’amertume, vint tout ce qui a été raconté de la disgrâce de Chamillart et du rappel des troupes d’Espagne, où tous deux se trouvèrent d’avis et de partis si opposés.

Le reste de ce voyage de Marly se sentit de la vivacité de cette dernière affaire, et les courtisans remarquèrent en M. de Chevreuse un air d’empressement qui lui étoit entièrement nouveau. Ils s’aperçurent qu’il cherchoit à s’approcher de Mme la duchesse de Bourgogne, et qu’il en étoit bien reçu. Cela n’étoit pas étrange ; elle savoit combien il s’étoit intéressé pour Mgr le duc de Bourgogne pendant la dernière campagne de Flandre par le duc de Beauvilliers et par Mme de Lévi si bien et si libre avec elle ; ce qui l’avoit très favorablement changée pour les deux beaux-frères.

Un soir entre autres qu’elle s’amusoit dans le salon à s’instruire du hoca [1], Mme de Beauvilliers lui dit que M. de Chevreuse le savoit très bien pour y avoir beaucoup joué autrefois. Là-dessus la princesse l’appela, et il demeura jusqu’à une heure après minuit dans le salon à le lui

  1. Jeu de hasard qui avait été introduit en France par le cardinal Mazarin. C’était une espèce de loterie.