Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/297

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étant court dans le maréchal, devoit être ménagé en rie lui contestant pas les bagatelles, et réservant l’effort de la persuasion pour les choses importantes, mais avec art et douceur, tâchant de l’amener comme de lui-même ; surtout de ne lui laisser sentir nul poids de ministre ni de supériorité d’esprit ou d’expérience dans les affaires, et s’aider adroitement de flatteries sur sa capacité à la guerre, sur les choses qu’il y a effectivement faites, et sur ses bonnes intentions qu’on ne pouvoit douter être les seuls qui le menassent et sans aucun intérêt ; qu’en s’y prenant de la sorte avec application et suite, j’étois persuadé que Boufflers seroit d’abord touché du cas qu’il sentiroit être fait de lui, et par là deviendroit bientôt capable d’entrer en raison ; qu’il ne seroit pas difficile de lui ôter les impressions que les autres étoient venus à bout de lui donner, et sinon de le détacher tout à fait d’eux, de le rendre du moins un instrument dont ils ne feroient pas dans la suite tout l’usage qu’ils projetoient et qu’ils avoient déjà commencé d’en faire.

Beauvilliers goûta au dernier point mon discours, et s’ouvrant de plus en plus : « Eh qui, me dit-il, n’a pas envie de le raccrocher, et de faire tout ce qu’il faut pour cela ? » Puis convint que ce que je lui proposois étoit le meilleur, et qu’il falloit incessamment travailler sur ce plan-là.

Je me gardai bien de lui en nommer aucuns autres. Je connoissois trop l’antipathie naturelle de l’esprit et de l’humeur du chancelier pour lui proposer rien à son égard pour les rapprocher l’un de l’autre, bien moins encore pour nuire au chancelier, mon ami au point qu’il l’étoit, ni sur l’aversion des ducs de La Rocheguyon et de Villeroy, glissant ainsi pour ne pas commettre nies amis d’une part, et ne les pas laisser dupes de l’autre. Avant finir, je repris encore un peu le propos de nuire à ceux qui ne valoient rien, et je le fis souvenir de la pacifique et silencieuse conduite de Mgr le duc de Bourgogne qui l’avoit abattu sous le duc de Vendôme à tel point, qu’il en demeuroit meurtri après même la chute