Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/301

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intime de cour par les femmes les plus instruites, et les plus admises en tout avec Mme la duchesse de Bourgogne, qui, vieilles et jeunes en divers genres, voyoient beaucoup de choses par elles-mêmes, et savoient tout de la princesse, de sorte que jour à jour j’étois informé du fond de cette curieuse sphère ; et fort souvent par les mêmes voies, de beaucoup de choses secrètes du sanctuaire de Mme de Maintenon. La bourre même en étoit amusante, et parmi cette bourre rarement n’y avoit pas quelque chose d’important, et toujours d’instructif pour quelqu’un fort au fait de toutes choses.

J’y étois mis encore quelquefois d’un autre intérieur, non moins sanctuaire, par des valets très principaux, et qui, à toute heure dans les cabinets du roi, n’y avoient pas les yeux ni les oreilles fermés.

Je me suis donc trouvé toujours instruit journellement de toutes choses par des canaux purs, directs et certains, et de toutes choses grandes et petites. Ma curiosité, indépendamment d’autres raisons, y trouvoit fort son compte ; et il faut avouer que, personnage ou nul, ce n’est que de cette sorte de nourriture que l’on vit dans les cours, sans laquelle on n’y fait que languir.

Mon attention continuelle étoit à un secret extrême des uns aux autres sur tout ce qui pouvoit les intéresser ; à un discernement scrupuleux des choses qui pouvoient avoir des suites, et pour cela même à les taire, quoique apparemment indifférentes ; et sur celles qui l’étoient en effet, à les conter pour payer et nourrir la confiance, ce qui faisoit l’entière sûreté de mon commerce avec tous et l’agrément de ce commerce, où je rendois souvent autant et plus que j’en recueillois, sans qu’il me soit arrivé d’avoir trouvé jamais refroidissement, défiance, moins d’ouverture même dans pas un ; encore qu’ils sussent très bien tous que j’étois dans le même intrinsèque avec plusieurs de la cabale opposée à la leur, et que les uns et les autres me parlassent de