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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/35

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de la campagne prochaine ; ils y furent assez longtemps tous deux. Le prince Eugène s’en alla après à Vienne. Marlborough demeura à la Haye avec parole au prince Eugène, qu’il lui tint, de ne point passer la mer qu’il ne fût de retour à la Haye, pour ne point laisser leur ami Heinsius ni les États généraux sans l’un des deux.

La Boulaye, qui s’étoit rendu prisonnier de guerre avec sa garnison à Exilles, dont il étoit gouverneur, fut échangé en ce temps-ci. Il étoit chargé de choses fort fâcheuses ; il vint demander d’être mis à la Bastille pour y être condamné ou justifié. Il y a apparence qu’il ne fit que prévenir ce qui étoit résolu. Il y fut interrogé plusieurs fois.

La Junquière, qui s’étoit laissé prendre si vilainement au Port-Mahon, fut mis à Toulon au conseil de guerre, où présida Langeron, lieutenant général des armées navales. Il fut jugé à être cassé et à garder prison ; ensuite le roi lui ôta ses pensions et la croix de Saint-Louis, le fit casser et dégrader des armes, l’envoya dans un château de Franche-Comté, et fit mettre en diverses prisons les officiers qui étoient avec lui à Exilles [1].

Mme de Villetaneuse, vieille bourgeoise fort riche et sans enfants, mourut les premiers jours de cette année, et enrichit par ses legs les enfants du duc de Brancas, fils de sa sueur, la duchesse de Luxembourg, fille de sa cousine germaine, et la comtesse de Boufflers, fille de Guénégaud, son cousin germain. Cette comtesse de Boufflers étoit veuve du frère aîné du maréchal, avec qui elle vivoit en grande intelligence. Elle avoit eu deux fils dont il prit soin. L’aîné mourut en sortant de l’Académie [2] ; l’autre, fort peu après, se

  1. Nous reproduisons textuellement le manuscrit qui porte le nom d’Exilles, dont il a été question dans le paragraphe précédent. Il faut lire probablement Port-Mahon.
  2. Ce mot désignait, aux XVIIe et XVIIIe siècles, une école d’équitation pour les jeunes nobles. Mme de Motteville, parlant de l’entrée des ambassadeurs de Pologne à Paris en 1645, appelle ces jeunes gens académistes ; « après eux (les ambassadeurs) venaient nos académistes. »