Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/39

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et à ses pères, quoique de même maison tous deux, et ces États et tout l’apanage de ses cadets. Voilà bien des prétentions qui, si elles avoient toutes lieu, feroient dans le Nord un trop formidable monarque.

Cette matière étrangère me rappelle la mort du prince Georges de Danemark, sans enfants de la reine Anne d’Angleterre, son épouse, arrivée dans les derniers temps de l’année qui vient de finir. Le peu de figure qu’il a faite toute sa vie, même en Angleterre où il l’a toute passée, m’y a fait faire moins d’attention. C’étoit un très-bon homme, fils de Frédéric III, roi de Danemark, et frère de Christiern V, grand-père du roi de Danemark d’aujourd’hui. Il avoit épousé en 1685 la seconde fille du duc d’York mort à Saint-Germain roi d’Angleterre, Jacques II. Ce prince Georges s’établit en Angleterre sans songer plus à son pays, y vit tranquillement la révolution qu’y fit le prince d’Orange en 1688, vécut paisible à sa cour, et ne se mêla jamais de rien, non pas même depuis que sa femme fut reine, qui avoit toujours fort bien vécu avec lui avant et depuis. Il eut le titre de duc de Cumberland, la Jarretière, et depuis le couronnement de sa femme le vain titre d’amiral d’Angleterre, de généralissime de toutes les forces de la Grande-Bretagne, et le gouvernement des Cinq-Ports, sans s’être jamais mêlé de rien. Il avoit eu plusieurs enfants, tous morts jeunes avant lui.

Il me fait souvenir de dire que le roi de Danemark son neveu, mal avec sa femme et sa mère, s’étoit mis à voyager sur la fin de l’année précédente, et qu’il étoit en ce temps-ci à Venise pour y voir le carnaval. Il étoit venu en France étant prince royal, et promettoit fort peu, et je m’aperçois que j’ai oublié ce voyage : quoique incognito, il fut reçu partout en France avec une grande distinction ; il s’arrêta assez longtemps à Montpellier venant d’Italie, et y fit l’amoureux d’une dame que Broglio aimoit aussi. Il commandoit en Languedoc par le crédit de Bâville, frère de sa femme. Il s’avisa