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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/438

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J’allai chez Maréchal, dont on a vu ailleurs l’attachement pour moi, et quel il étoit d’ailleurs. Il étoit un de ceux qui me pressoient le plus de ne point quitter la partie, et il m’en avoit écrit fortement à la Ferté pour hâter mon retour. Je le trouvai. La conversation ne tarda pas à se tourner sur ma situation, et sur l’embarras que, ne portant sur rien de particulier, mais sur un amas de bagatelles vraies et fausses, [elles] étoient grossies et empoisonnées de manière qu’elles me couloient à fond plus sûrement que des fautes réelles et bien marquées. Après quelques raisonnements là-dessus, je lui dis tout d’un coup que tout le malheur étoit d’avoir affaire à un maître inabordable, auquel, si je pouvois lui parler à mon aise, j’étois sûr de faire évanouir toutes les friponneries dont on s’étoit servi pour lui rendre ma conduite désagréable, et tout de suite j’ajoutai qu’il me venoit en pensée de lui faire une proposition, sans toutefois lui rien demander au-dessus de ses forces, parce que j’avois tout lieu de compter sur son amitié ; que la volonté ne lui manqueroit pas, et que dans cette persuasion, je désirois qu’il demeurât en sa liberté de me répondre et de ne rien faire que ce qui lui conviendroit ; que ma proposition étoit qu’il prit son temps de dire au roi qu’il m’avoit vu affligé au dernier point de me sentir mal auprès de lui sans l’avoir en rien mérité ; que cette seule raison m’avoit tenu quatre mois à la campagne, où je serois encore sans la mort d’un homme très principal dans mes affaires, pour lesquelles j’avois été forcé à revenir ; que je ne pouvois avoir de repos qu’en lui parlant avec franchise et loisir, et que je le suppliois de vouloir m’écouter avec bonté et loisir quand il lui plairoit. J’ajoutai que, par le refus de l’audience, je verrois bien que je n’avois plus à songer à rien ; que si je l’obtenois, le succès me découvriroit ce qui me pourroit rester d’espérance.

Maréchal pensa un moment, puis me regardant : « Je le ferai, me dit-il avec feu ; et en effet il n’y a que cela à frire. Vous lui avez déjà parlé plusieurs fois, il en a toujours été