Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/437

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Géran, Nogaret, Boufflers, Villeroy et d’autres encore, qui me représentèrent toutes les mêmes considérations en diverses façons qui m’avoient été faites, et qui formèrent comme une conjuration contre ce que j’avois résolu, dont quelques-uns étoient informés, et dont les autres s’étoient doutés par la longueur de mon absence. Ils se relayoient [les uns] les autres, comme s’ils s’étoient entendus pour ne me laisser aucun repos.

Mme la duchesse de Bourgogne envoya chercher Mme de Saint-Simon sitôt qu’elle fut arrivée, qui l’accabla de bontés, dont aussi Mgr le duc de Bourgogne me combla. Outre ce qu’elle avoir dit sur la place de dame d’honneur, après la duchesse du Lude, je sus par Cheverny, ce même soir, que Mgr le duc de Bourgogne s’en étoit ouvert à lui.

Surpris d’une réception si vive, et touché d’une amitié si constante de tant de gens considérables dans un état de disgrâce, et de ne pouvoir encore, en revenant à flot, devenir utile à pas un d’eux, les réflexions, tout ensemble me terrassa. Je résolus, ce même soir, à l’insu de qui que ce fût, de tenter chose qui me décidât pour toujours, soit en me raccrochant à la cour avec quelque succès, soit en l’abandonnant, qui me délivrât de la sorte de persécution que je souffrois là-dessus.

Quelque peu susceptibles que les choses vagues et sans fondement fussent d’un éclaircissement avec le roi, dont les plus dangereuses, comme l’esprit, ne se pouvoient traiter, et les plus aisées à détruire étoient d’une périlleuse délicatesse, comme le pari de Lille et ses suites, ce fut néanmoins la dernière ressource que j’embrassai, fondé sur ce que cette voie m’avoit si bien réussi plus d’une fois, et dans la vérité encore sur ce qu’il y avoit à croire que le roi ne voudroit pas m’entendre, ou que m’écoutant, et cela court et sec, deux choses qui favorisoient le parti que je voulois prendre, et qui mettroient fin aux obstacles de raison et d’amitié que j’en rencontrois.