Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/454

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on a trouvé tant de difficultés et d’inconvénients dans deux qu’on avoit pu envoyer de Madrid, que le roi d’Espagne s’est déterminé au duc d’Albe et au comte de Bergheyck.

« Je crois, Sire, que ce choix sera plus agréable à Votre Majesté qu’aucun autre, puisque ces deux ministres ont l’honneur d’être connus de Votre Majesté ; qu’ils se trouvent actuellement sur les lieux (ce qui épargne de la dépense, de l’embarras et du temps, s’il étoit question d’une prompte négociation), et que d’ailleurs Votre Majesté prendra plus aisément les mesures qu’elle jugera convenables avec ces deux ministres, qui sont au fait des affaires, et qui sont déjà occupés par d’autres emplois, qu’avec deux qui viendroient d’Espagne remplis d’idées et de maximes très opposées aux nôtres.

« Cette nomination de plénipotentiaires, que le roi a communiquée aussitôt aux ministres du Despacho et au conseil d’État, a été très approuvée ; elle a même fort apaisé les bruits qui couroient et les mauvais discours qui se tenoient dans les conversations et dans les places. Sa Majesté Catholique fait travailler aux instructions par le marquis de Mejorada, et elle en donnera une secrète de sa main, qui, je crois, se réduira à ne jamais céder l’Espagne et les Indes, et à se rapporter du reste à tout ce que Votre Majesté jugera de plus convenable.

« Pour ce qui regarde, Sire, la nouvelle forme à donner au gouvernement, l’idée qu’on a toujours eue quand on en a parlé d’avance, même avec les Espagnols, et qui se renouvelle aujourd’hui, est de charger plusieurs ministres de différents départements d’affaires, indépendants les uns des autres, pour en rendre compte au roi d’Espagne séparément ou dans un Despacho, selon qu’il sera jugé plus à propos. La grande difficulté est de trouver des sujets dont ce prince puisse espérer d’être bien servi, et c’est ce qui s’agite tous les jours entre Leurs Majestés Catholiques, Mme la princesse des Ursins et votre ambassadeur, sans avoir pu encore se fixer sur aucun des nouveaux ministres, qu’il faut pourtant tirer du nombre de ceux qu’il y a présentement. Les Espagnols de confiance auxquels on en parle n’y sont pas moins embarrassés eux-mêmes.

« Je me confirme, au reste, Sire, de plus en plus dans l’opinion que ce changement est nécessaire, de quelque manière que les choses tournent. Si le roi d’Espagne demeure sur le trône, on a toujours dit, et il convient qu’il établisse un gouvernement certain, composé de ministres espagnols, et qu’on connoisse que Votre Majesté n’est entrée par son ambassadeur dans le détail et la direction des affaires que par la nécessité indispensable d’une guerre dont Votre Majesté supportoit presque tout le poids. Si, au contraire, Sa Majesté Catholique est forcée d’abandonner l’Espagne, et qu’elle exécute la résolution qu’elle a prise de se défendre jusqu’à l’extrémité avec ses seules forces, en