Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/453

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ai rendu de ce que Votre ; Majesté me mande au sujet de la sortie du nonce. IL est certain, Sire, bien loin que les Espagnols aient désapprouvé la résolution de Sa Majesté Catholique, qu’il a paru, au contraire, qu’elle étoit applaudie, même par la plupart des religieux, que la juridiction du nonce fatigue en bien des choses, et dont elle tire beaucoup d’argent, par les petites grâces ou exemptions qu’ils sollicitent auprès du ministre de Sa Sainteté, et par les procès qu’ils ont continuellement les uns contre les autres. On a vu, même pendant le voyage du nonce depuis Madrid jusqu’à la frontière de France, que fort peu de prêtres et de moines se sont empressés à le voir dans les lieux de son passage.

« Votre Majesté, Sire, aura entendu bien au long, par ma dernière lettre, ce qui s’est passé ici pendant les trois derniers jours qui l’ont précédée. La déclaration que le roi d’Espagne a faite à plusieurs de ses ministres, s’étant répandue dans le public, a causé beaucoup de rumeur, et a donné lieu à des discours fort extraordinaires parmi les gens de toute espèce qui composent cette grande ville. On a rapporté ce que Sa Majesté Catholique avoit dit d’une manière bien différente de la vérité, comme il arrive ordinairement lorsque les choses passent par plusieurs bouches, et sont redites par des gens ou ignorants ou malintentionnés. On a publié non seulement que Votre Majesté abandonnoit l’Espagne, mais encore que le roi votre petit-fils étoit sur le point d’en sortir, et qu’il n’avoit appelé ses principaux ministres que pour leur en faire part. Il a cependant paru en général de l’attachement pour le roi d’Espagne, et de l’amour pour Mgr le prince des Asturies, que les Espagnols regardent comme Espagnol, et comme devant les gouverner un jour à leur manière.

« L’ancienne haine contre la nation française s’est réveillée en cette occasion, et on ne parloit pas moins que de couper la gorge aux François qui sont à Madrid, et de saccager leurs maisons. Les gens sensés ont connu l’injustice de ces emportements, sachant les prodigieux efforts que la France fait depuis huit ans pour conserver la monarchie d’Espagne en son entier, et conserver Sa Majesté sur le trône ; mais cela ne peut empêcher le premier effet que fait dans le public une nouveauté de cette nature.

« Le roi d’Espagne a cru, Sire, après la démarche qu’il a faite, qu’il convenoit de nommer des ministres pour les conférences de la paix. Quoique Votre Majesté ne lui ait pas encore mandé qu’il en fût temps, je n’ai pas jugé qu’il fût du bien de votre service de m’y opposer, outre que mes représentations auroient peut-être été inutiles. Il m’a paru, au contraire, que cette nomination pourroit peut-être calmer les esprits, en faisant voir qu’il n’y avoit encore rien de conclu, puisque Sa Majesté Catholique nommoit des ministres pour traiter la paix. Après avoir cherché des sujets propres pour une pareille négociation,