Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/71

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

voyant qu’elle n’en tiroit rien de plus, elle lui conta tout le fait. Le duc de Mortemart, à son tour, entra dans une grande surprise et parut fort en colère, nia nettement et absolument qu’il eût rien dit d’approchant de ce qu’il apprenoit là qu’on lui imputoit d’avoir dit, se récria sur la noirceur d’une chose qu’il faudroit qu’il eût inventée, puisqu’il ne m’avoit jamais entendu rien dire qui en pût approcher. Il en dit autant après à M. de Beauvilliers, et s’offrit de le soutenir à Mlle de Lislebonne, à Mme d’Espinoy, à Mme d’Urfé et à Pontchartrain. MM. de Chevreuse et de Beauvilliers me le dirent de sa part, et me prièrent de trouver bon qu’ils me l’amenassent pour me le dire lui-même. Je ne tardai pas à instruire Pontchartrain et Mme d’Urfé de cette négative entière, et de la faire porter par eux à Mlle de Lislebonne et à Mme d’Espinoy.

Cependant nulle exécution de sa part, et les deux sœurs fermes à maintenir son rapport. Personne ne devoit être plus pressé que lui de se tirer par ce démenti éclatant du personnage de délateur infâme (quand il auroit été vrai que j’eusse dit ce qu’on m’imputoit), ou d’imposteur exécrable, et dans toutes les circonstances qui accompagnoient une telle imposture. De cette façon je demeurai dans l’incertitude si le duc de Mortemart, leur parlant de ce qui s’étoit passé, chose en soi inexcusable, ne s’étoit point échauffé de discours en discours assez pour leur laisser croire ce qu’elles me firent dire, et, en bons rejetons des Guise, me commettre contre le gendre de M. de Beauvilliers.

Quoi qu’il en soit, les choses en demeurèrent là, sans que le duc de Mortemart m’en ait jamais parlé, d’où je jugeai son cas fort sale. Sa famille répandit son désaveu partout, et de mon côté je ne m’y épargnai pas, et à publier le démenti que j’avois offert, dont les témoins n’étoient pas récusables, et qui fut avoué partout de Mlle de Lislebonne et de Mme d’Espinoy. Je ne sais comment le duc de Mortemart s’en tira avec elles. L’affaire demeura nette à mon égard, très sale au sien. Je demeurai froid et fort dédaigneux avec lui lorsque je le