Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/79

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de toutes ses heures, en furent effrayés, et, dans leur inquiétude, tournèrent pour tâcher de savoir ce qui étoit arrivé. À la fin, il le leur conta, dit qu’il étoit perdu, et que, pour quelques pouces, le roi oublioit tous ses services qui lui avoient valu tant de conquêtes ; mais qu’il y mettroit ordre, et qu’il lui susciteroit une guerre, telle qu’il lui feroit avoir besoin de lui, et laisser là la truelle, et de là s’emporta en reproches et en fureurs.

Il ne mit guère à tenir parole. Il enfourna la guerre par l’affaire de la double élection de Cologne, du prince de Bavière et du cardinal de Fürstemberg ; il la confirma en portant des flammes dans le Palatinat, et en laissant toute liberté au projet d’Angleterre ; il y mit le dernier sceau pour la rendre générale, et s’il eût pu éternelle, en désespérant le duc de Savoie, qui ne vouloit que la paix, et qu’à l’insu du roi il traita si indignement qu’il le força à se jeter entre les bras de ses ennemis, et à devenir après, par la position de son pays, notre partie la plus difficile et la plus ruineuse. Tout cela a été mis bien au net depuis.

Pour en revenir à d’Avaux, de retour de Hollande par la rupture, il passa en Irlande avec le roi d’Angleterre, en qualité d’ambassadeur du roi auprès de lui, avec entrée dans son conseil. Il n’avoit garde de réussir auprès d’un prince avec lequel il ne fut jamais d’accord, qui fut trompé sans cesse, qui s’opiniâtra, malgré les expériences et tout ce que d’Avaux lui put représenter, à donner dans tous les pièges qui lui étoient tendus. Les événements montrèrent sans cesse combien d’Avaux avoit raison ; mais une lourde méprise le perdit pour un temps, et ce fut par un bonheur qu’il ne pouvoit guère espérer que ce ne fut pas perdu pour toujours. Il rendoit compte des affaires aux deux ministres de la guerre et des affaires étrangères : des troupes, des munitions, des mouvements et des projets de guerre à Louvois ; des négociations du cabinet et de la conduite du roi d’Angleterre, de l’intérieur de l’Irlande et des intelligences