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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 7.djvu/98

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exposé chez lui, en attendant que tout fût prêt à Saint-André des Arcs. M. le Duc, ardent à empiéter d’adresse où il ne pouvoit de vive force, fit cependant insinuer par ses principaux domestiques et par ceux de l’hôtel de Conti, aux amis du feu prince et aux siens qui étoient ducs, que bien des gens alloient donner de l’eau bénite et prier Dieu quelque temps près du corps ; que cette piété étoit une marque d’amitié qu’on s’étonnoit qu’ils n’eussent pas encore rendue et que le manteau long étoit l’habit le plus décent pour ce devoir funèbre. Rien de si aisé à attraper que les ducs, ni de si hors de garde en tout et pour tout, malgré les expériences. Le duc de Sully et le duc de Villeroy donnèrent dans ce panneau, le maréchal de Choiseul aussi et d’autres. Saintrailles, premier écuyer de M. le Duc, homme fort du grand monde et ami du duc de Villeroy, l’avoit tonnelé, et allégué l’exemple du duc de Sully. Il me le conta, et que son père, piqué au vif, ne verroit jamais Saintrailles. La juste confiance en la facilité des ducs avoit fait commencer par eux, pour venir après, aux princes étrangers sur cet exemple ; mais le bruit que fit le maréchal de Villeroy éventa la mèche et arrêta tout tout court. M. le Duc n’osa se fâcher, parce qu’au murmure se joignit le ridicule d’avoir tenté par là de vouloir faire garder le corps de M. le prince de Conti.

Il y avoit un temps infini qu’il n’étoit mort de prince du sang. Le dernier prince de Conti étoit mort à Fontainebleau, de la petite vérole qu’il avoit gagnée de Mme sa femme en 1685, 9 novembre, à vingt-cinq ans, sans postérité ; M. son père, à Pézenas, en 1666, 11 février, à trente-sept ans ; M. le Prince, 11 décembre 1686, à soixante-cinq ans, à Fontainebleau, où il étoit allé de Chantilly sur la petite vérole de Mme la duchesse de Bourbon. Cette garde en effet avoit été l’objet de M. le Duc. Il se souvenoit que la reine, les filles et les petites-filles de France étoient gardées par des duchesses et des princesses étrangères alternativement,