Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/213

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et d’industrie ; ainsi je pallie cela comme je puis, en me jetant dans l’apothéose à travers laquelle on peut sentir que je ne suis pas convaincu par cet exemple. Jusque-là ce Discours est à la portée de tous les gens du monde.

La manière de penser de Mgr le duc de Bourgogne si austère, si littérale, et la dévotion du duc de Beauvilliers et quoique tout autrement formée et raisonnable, m’ont forcé de me jeter ici dans une discussion du goût de peu de gens, mais sans laquelle ce qui précède n’auroit pu entrer dans la tête du prince ni si aisément dans l’esprit de son ancien gouverneur. J’avois besoin de quelque discussion sur la médisance pour apprivoiser le prince au raisonnement avec les hommes, et sur la dévotion, pour le préparer par des comparaisons monacales à m’écouter sur sa conduite en Flandre pendant sa dernière campagne et à son retour encore, et pour en sentir tous les profonds inconvénients. Cette préparation m’étoit absolument nécessaire pour oser toucher ceux de l’opinion qu’il a donné lieu de prendre ; qu’il n’estime et ne mesure rien que par la dévotion, et que tout devient pour lui cas de conscience. On se persuada tellement en effet qu’il avoit fait consulter la guerre d’Espagne, pour, sur l’avis des docteurs, former le sien au conseil, que le roi lui demanda ce qu’il en étoit, et qu’il ne fut pas peu surpris de la réponse nette et précise du prince : qu’il n’y avoit pas seulement pensé. C’est ce qui m’a obligé à traiter en deux mots la messéance de ses longs et fréquents entretiens avec son confesseur, et comme j’avois loué le précepteur pour mieux faire recevoir dès l’entrée tout ce que j’avois à dire, louer aussi ce confesseur pour ne pas choquer le pénitent, et lui mieux faire entrer dans la tête la considération des réflexions et de la comparaison des règnes des derniers rois d’Espagne, et je reviens par tout cela aux grands inconvénients de n’être pas connu des hommes. Les louanges terminent le Discours comme elles l’ont commencé. C’est un adoucissement indispensable devant et après tout