Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 8.djvu/214

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ce qu’il y avoit à dire. Mais la grâce, qui avoit commencé par des miracles rapides, acheva bientôt son ouvrage, et en fit un prince accompli. Les petitesses, les scrupules, les défauts disparurent et ne laissèrent plus que la perfection en tout genre. Mais, hélas ! la perfection n’est pas pour ce monde, qui n’en est pas digne. Dieu la montra pour montrer sa bonté et sa puissance, et se hâta de la retirer pour récompenser ses dons et pour châtier nos crimes.

Ce Discours, des vérités duquel j’étois plein, fut bientôt jeté sur le papier. Je n’y corrigeai rien du premier trait de plume, et je le lus au duc de Beauvilliers tel qu’il se voit ici. J’ose dire qu’il lui plut extrêmement. De tout son tissu il ne me contesta que deux choses : l’assiduité rigoureuse aux offices de l’Église les fêtes et les dimanches, qu’à la fin il me céda, et les spectacles, que je ne pus jamais lui faire passer. Il loua toute la discussion sur la médisance et sur la dévotion ; fut entièrement de mon avis sur la communication avec les hommes, telle que je la proposois ; il approuva tout ce que je dis sur M. de Vendôme, que j’avois évité de nommer, et sur la conduite de Mgr le duc de Bourgogne, en sa dernière campagne de Flandre et à son retour. En un mot, tout le Discours se trouva de son goût. Il en voulut une seconde lecture ; à mon tour, je le priai de peser l’endroit des mouches, des crapauds, et de ces sortes de badinages que je trouvois moi-même trop frappé ; il en convint, mais ces choses lui parurent si importantes à vivement représenter, qu’il ne put consentir à le supprimer ni même à l’adoucir. Je lui fis faire attention sur l’article du confesseur, mais il s’écria d’approbation.

Après cet examen il fut question de l’usage, et ce fut là où s’émut la plus longue et la plus vive dispute que j’aie guère eue avec lui. Il vouloit montrer ce Discours au prince et le lui montrer sous mon nom, en lui racontant naturellement comment il me l’avoit demandé. Je me récriai sur le danger ; et après un long combat il ne put obtenir de moi