Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/101

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sortes de métiers, dont Mme la Duchesse a fait une chanson qui les décrit d’une manière très-plaisante et peu flatteuse. Elle ne se doutoit pas alors de ce qui lui est arrivé depuis avec son fils.

Le père avoit été marié plusieurs fois, et mal toutes. Il épousa en secondes noces la fille d’un apothicaire, que le duc Charles IV de Lorraine avoit voulu épouser aussi, et dont il ne put être empêché que par force. Lassai la perdit, et, dans le désespoir de son amour, il se retira dans la plus grande solitude auprès des Incurables, et dans une grande dévotion. Quelques années le consolèrent. L’ennui le prit, il ajusta sa maison et chercha à se remettre dans le monde. Il avoit de l’esprit, de la lecture, de la valeur ; il avoit peu servi, et fait après le noble de province, avant sa retraite. Le voyage des princes de Conti en Hongrie lui parut propre pour en sortir tout à fait. Comme ils y allèrent contre le gré du roi, ils étoient fort seuls. Tout leur fut bon ; Lassai les suivit. Au retour, l’un étant mort, l’autre exilé à Chantilly, Lassai s’attacha à M. le Duc, se fourra dans ses parties obscures, y fut acteur commode, s’intrigua vainement, mais tant qu’il put. Il épousa une bâtarde de M. le Prince, qui mourut folle quelques années après. Il fréquenta la cour sans avoir jamais pu en être.

Son fils servit et fut brigadier d’infanterie, non sans talent et avec beaucoup d’esprit. Par son père il se trouva attaché à la maison de Condé. Avec un visage de singe, il étoit parfaitement bien fait. Il plut à Mme la Duchesse vers ce temps-ci de son mariage avec sa tante ; elle le trouva sous sa main ; la liaison entre eux se fit la plus intime, et la plus étrangement publique. Il devint à visage découvert le maître de Mme la Duchesse et le directeur de toutes ses affaires. Il y eut bien quelque voile de gaze là-dessus pendant le reste de la vie du roi, qui ne laissa pas de le voir, mais qui, dans ses fins, laissoit aller bien des choses, de peur de se fâcher et de se donner de la peine ; mais