Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/113

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Monseigneur, et qu’il ne bannissoit pas toute crainte, mais sans en avoir d’autre que celle de la nature propre à cette sorte de maladie.

Les harengères de Paris, amies fidèles de Monseigneur, qui s’étoient déjà signalées à cette forte indigestion qui fut prise pour apoplexie, donnèrent ici le second tome de leur zèle. Ce même matin, elles arrivèrent en plusieurs carrosses de louage à Meudon. Monseigneur les voulut voir. Elles se jetèrent au pied de son lit qu’elles baisèrent plusieurs fois ; et, ravies d’apprendre de si bonnes nouvelles, elles s’écrièrent dans leur joie qu’elles alloient réjouir tout Paris, et faire chanter le Te Deum. Monseigneur, qui n’étoit pas insensible à ces marques d’amour du peuple, leur dit qu’il n’étoit pas encore temps ; et, après les avoir remerciées, il ordonna qu’on leur fît voir sa maison, qu’on les traitât à dîner, et qu’on les renvoyât avec de l’argent.

Revenant chez moi, de chez le chancelier, par les cours, je vis Mme la duchesse d’Orléans se promenant sur la terrasse de l’aile neuve, qui m’appela, et que je ne fis semblant de voir ni d’entendre, parce que la Montauban étoit avec elle, et je gagnai mon appartement l’esprit fort rempli de ces bonnes nouvelles de Meudon. Ce logement étoit dans la galerie haute de l’aile neuve, qu’il n’y avoit presque qu’à traverser pour être dans l’appartement de M. [le duc] et de Mme la duchesse de Berry, qui ce soir-là devoient donner à souper chez eux à M. [le duc] et à Mme la duchesse d’Orléans et à quelques dames, dont Mme de Saint-Simon se dispensa sur ce qu’elle avoit été un peu incommodée.

Il y avoit peu que j’étois dans mon cabinet seul avec Coettenfao, qu’on m’annonça Mme la duchesse d’Orléans, qui venoit causer en attendant l’heure du souper. J’allai la recevoir dans l’appartement de Mme de Saint-Simon, qui étoit sortie, et qui revint bientôt après se mettre en tiers avec nous. La princesse et moi étions, comme on dit, gros de nous voir et de nous entretenir dans cette conjoncture, sur