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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/132

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une fois ou deux un instant ; à la vérité ils se levèrent d’assez bonne heure, et assez doucement. Le réservoir d’eau étoit tari chez eux, les larmes ne revinrent plus depuis que rares et foibles à force d’occasion. Les dames qui avoient veillé et dormi dans cette chambre contèrent à leurs amis ce qui s’y étoit passé. Personne n’en fut surpris ; et comme il n’y avoit plus de Monseigneur, personne aussi n’en fut scandalisé.

Mme de Saint-Simon et moi, au sortir de chez M. [le duc] et Mme la duchesse de Berry, nous fûmes encore deux heures ensemble. La raison plutôt que le besoin nous fit coucher, mais avec si peu de sommeil qu’à sept heures du matin j’étois debout ; mais, il faut l’avouer, de telles insomnies sont douces, et de tels réveils savoureux.

L’horreur régnoit à Meudon. Dès que le roi en fut parti, tout ce qu’il y avoit de gens de la cour le suivirent, et s’entassèrent dans ce qui se trouva de carrosses, et dans ce qu’il en vint aussitôt après. En un instant Meudon se trouva vide. Mlle de Lislebonne et Mlle de Melun montèrent chez Mlle Choin, qui, recluse dans son grenier, ne faisoit que commencer à entrer dans des transes funestes. Elle avoit tout ignoré, personne n’avoit pris soin de lui apprendre de tristes nouvelles. Elle ne fut instruite de son malheur que par les cris. Ces deux amies la jetèrent dans un carrosse de louage qui se trouva encore là par hasard, y montèrent avec elle, et la menèrent à Paris.

Pontchartrain, avant partir, monta chez Voysin. Il trouva ses gens difficiles à ouvrir et lui profondément endormi ; il s’étoit couché sans aucun soupçon sinistre, et fut étrangement surpris à ce réveil. Le comte de Brionne le fut bien davantage. Lui et ses gens s’étoient couchés dans la même confiance, personne ne songea à eux. Lorsqu’en se levant il sentit ce grand silence, il voulut aller aux nouvelles et ne trouva personne, jusqu’à ce que, dans cette surprise, il apprit enfin ce qui étoit arrivé.

Cette foule de bas officiers de Monseigneur, et bien d’au-