Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/261

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sur le reste, et ce ne fut pas sans réflexions sur les motifs des jugements. Il me dit ensuite que la double séance du père et du fils, même ensemble, avoit enfin passé après de grands débats, en considération de la nouvelle faveur à la postérité légitimée. Ce point me fit encore plaisir. Le venin fut à la queue, je veux dire le point du sacre, sur lequel le chancelier m’assura avoir insisté de toutes ses forces, mais vainement ; la considération des bâtards seule ayant fait tenir ferme au roi. Alors je sentis bien que c’étoit une affaire conclue et sans nulle espérance de retour, et, après les premiers élans que je ne pus arrêter, je contraignis le reste pour éviter des remontrances là-dessus insupportables. Les articles des femelles, des ayants cause, etc., ceux de la substitution et du rachat par les mâles tels que nous les avions projetés, et Chaulnes favorablement résolus, je m’informai après des raisons pour lesquelles le règlement demeuroit encore secret. Le chancelier m’avoua qu’il n’en devinoit aucune, ayant vu la chose dix fois prête à éclore, sinon que le roi avoit peut-être dessein de faire voir ce projet au duc du Maine, avant qu’il fût déclaré, pour être en état d’y changer, si ce cher fils y trouvoit quelque chose encore à désirer. Cela même me fit grand’peine pour ce peu qui s’y trouvoit de bon. Je pressai le chancelier de finir cette affaire dès qu’il y verroit le moindre jour ; et je regagnai Marly, pénétré du sacre et en grand soupçon de la double séance, et en repos sur mon affaire particulière par la raison qui me la faisoit gagner après l’avoir perdue.

Arrivé à Marly, je ne pus me contenir de confier au duc de Beauvilliers, dont je connoissois le profond secret, celui qui lui causeroit tant de joie. Il étoit déjà couché. J’ouvris son rideau et lui dis, sous le secret dont j’étois si sûr avec lui, que son neveu alloit être fait duc et pair. Il en tressaillit de joie. Il me parut comblé de la mienne et de la part que j’avois eue en une affaire qu’il désiroit si fort, mais