Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/264

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à-tête du chancelier avec le roi mit la dernière main à l’édit. Le chancelier le fît mettre en forme aussitôt après à Versailles, l’y scella et l’envoya au parlement, où il fut enregistré le surlendemain, jeudi 21 mai. J’allai trouver le chancelier à Versailles, de qui j’appris que ce peu de chose qu’il m’avoit mandé avoir été retranché étoit : la double séance des pairs démis et Chaulnes ; que le roi, après avoir accordé l’un et l’autre, n’avoit pu enfin se résoudre à la double séance, et que, prêt à lâcher le mot sur Chaulnes, comme il l’avoit résolu avec le chancelier, il avoit payé de propos, d’espérance certaine, mais sans avoir pu être persuadé de passer outre actuellement. Le dernier billet du chancelier m’avoit fait douter de la double séance ; j’y étois préparé. Je ne l’étois point au délai en l’air de Chaulnes, et j’en fus d’autant plus fâché que j’y avois plus compté, et que j’en avois donné la joie à M. de Beauvilliers, et fait donner par Mme de Saint-Simon à M. et Mme de Chevreuse. Les arrangements de M. de Chevreuse lui ont coûté cher plus d’une fois. S’il avoit été à Marly, son affaire y seroit sûrement finie, comme je sus bien le lui reprocher vivement. Je ne repondrois pas que la pique du roi sur ses absences ne lui ait valu ce tire-laisse [1]. Il est certain que, depuis que la chose fut accordée en travaillant avec le chancelier, elle ne balança plus, mais le roi se plut à faire durer cette inquiétude, et à la pousser quelques mois. L’édit fit, à l’ordinaire, le bruit et la matière des conversations que font les choses nouvelles ; nous y perdions trop pour être contents, nous y gagnions trop pour montrer du chagrin, et sur chose qui touchoit si personnellement le roi, et qui étoit faite, notre parti fut une sagesse sobre, modeste et peu répandue en propos, ni même en réponse. Le chancelier content au dernier point de son édit, trouvoit que je le devois être, parce que j’y gagnois deux procès en commun, et un en particulier ;

  1. Voy. cet édit dans la collection des Anciennes lois françaises, par Isambert, t. XX, p. 565-569.