Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/272

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On a déjà vu les impressions si différentes qu’elle fit dans l’état et dans le cœur du nouveau Dauphin et de son épouse, dans le cœur de M. le duc de Berry et dans l’esprit de la sienne, dans la situation de M. [le duc] et de Mme la duchesse d’Orléans, et dans l’âme de Mme de Maintenon, délivrée pour le présent de toute mesure et de toute épine pour l’avenir.

M. du Maine partagea de bon cœur ces mêmes affections avec son ancienne gouvernante, devenue la plus tendre et sa plus abandonnée protectrice. Foncièrement mal, de tout temps, comme on l’a dit, avec Monseigneur, il avoit violemment tremblé de la manière dont on a vu que ce prince avoit reçu les divers degrés de son élévation, et en dernier lieu surtout celle de ses enfants. Il étoit loin d’être rassuré là-dessus du côté du nouveau Dauphin et de Mme la Dauphine, mais un et un sont deux. Délivré de tous les princes du sang en âge et en maintien, dont il avoit su sitôt et si grandement profiter, Monseigneur de moins, et possédé par Mme la Duchesse, lui fut un soulagement dont il ne prit pas même la peine de cacher l’extrême contentement. Il avoit de trop bons yeux pour ne s’être pas aperçu que Mme la Dauphine n’ignoroit rien de la protection qu’il avoit prodiguée au duc de Vendôme sur tout ce qui s’étoit passé en Flandre, pour ne pas sentir que les maximes du nouveau Dauphin lui faisoient penser sur la grandeur qu’il s’étoit formée, et qu’il ne captiveroit pas aisément par ses souplesses ceux qui pouvoient, et qui, selon toute apparence, pourroient le plus sur lui, mais la santé du roi lui faisoit espérer encore un long terme de son aveuglement pour lui, pendant lequel il pourroit arriver de ces heureux hasards qui mettent le comble à la fortune. L’esprit léger de M. le duc d’Orléans lui parut moins un obstacle qu’une facilité à en tirer parti d’une façon ou d’une autre. Celui de M. le duc de Berry n’étoit pas pour l’inquiéter, mais il résolut de n’oublier rien pour ne trouver pas une ennemie dans Mme la duchesse de Berry, et il la cultiva avec adresse.