Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/374

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princes faux et véritables, et les établissements qu’ils leur ont valu au lieu de châtiment, ne furent pas oubliés. Le Dauphin, extrêmement instruit de tous ces faits historiques, prit feu en les déduisant, et gémit de l’ignorance et du peu de réflexions du roi. De toutes ces diverses matières, je ne faisois presque que les entamer en les présentant successivement au Dauphin, et le suivre après pour lui laisser le plaisir de parler, de me laisser voir qu’il étoit instruit, lui donner lieu à se persuader par lui-même, à s’échauffer, à se piquer, et à moi de voir ses sentiments, sa manière de concevoir et de prendre des impressions, pour profiter de cette connoissance, et augmenter plus aisément par les mêmes voies sa conviction et son feu. Mais cela fait sur chaque chose, je cherchois moins à pousser les raisonnements et les parenthèses qu’à le conduire sur d’autres objets, afin de lui montrer une modération qui animât sa raison, sa justice, sa persuasion venue de lui-même, et sa confiance ; et pour avoir le temps aussi de le sonder partout, et de l’imprégner doucement et solidement de mes sentiments et de mes vues sur chacune de ces matières, toutes distinctes dans la même. Je n’oubliai pas d’assener sur M. d’Espinoy, en passant, le terme d’apprenti prince, et sur M. de Talmont et autres pareils, par vérité d’expression, et pour m’aider d’un ridicule qui sert souvent beaucoup aux desseins les plus sérieux. Content donc au dernier point de ce que le Dauphin sentoit sur les rangs étrangers, la plume et la robe qui eut aussi son léger chapitre, je mis en avant le nouvel édit de cette année 1711, fait à l’occasion de d’Antin sur les duchés.

Je discutai avec le Dauphin, naturellement curieux de savoir et d’apprendre ; je discutai, dis-je, avec lui les prétentions diverses qui y avoient donné lieu. Je ne le fis que légèrement pour le satisfaire, dans le dessein de passer le plus tôt que je le pourrois aux deux premiers articles de cet édit, et de m’y étendre selon que j’y trouverois d’ouverture.