Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/387

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

vis-à-vis la porte ordinaire d’entrée, et derrière le siége à travailler et le bureau, la porte d’une autre pièce du côté de la Dauphine ; entre les deux fenêtres une commode qui n’étoit que pour des papiers.

Il y avoit toujours quelques moments de conversation avant que le Dauphin se mît à son bureau, et qu’il m’ordonnât de m’asseoir vis-à-vis tout contre. Devenu plus libre avec lui, je pris la liberté de lui dire, dans ces premiers moments de conversation debout, qu’il feroit bien de pousser le verrou de la porte derrière lui. Il me dit que la Dauphine ne viendroit pas, et que ce n’étoient pas là ses heures. Je répondis que je ne craindrois point cette princesse seule, mais beaucoup l’accompagnement qui la suivoit toujours ; il fut opiniâtre et n’en voulut rien faire. Je n’osai l’en presser davantage ; il se mit à son bureau et m’ordonna de m’y mettre aussi. La séance fut longue, après laquelle nous triâmes nos papiers. Il me donna des siens à mettre dans mes poches, il en prit des miens, il en enferma dans sa commode, et, au lieu d’en enfermer d’autres dans son bureau, il en laissa dessus et se mit à causer, le dos à la cheminée, des papiers dans une main et ses clefs dans l’autre. J’étois debout au bureau, y cherchant quelques papiers d’une main et de l’autre en tenant d’autres, lorsque tout à coup la porte s’ouvrit vis-à-vis de moi, et la Dauphine entra.

Ce premier coup d’œil de tous les trois, car Dieu merci elle étoit seule, l’étonnement, la contenance de tous les trois ne sont jamais sortis de ma mémoire. Le fixe des yeux et l’immobilité de statue, le silence, l’embarras également dans tous trois, dura plus d’un lent Pater. La princesse le rompit la première. Elle dit au prince, d’une voix très-mal assurée, qu’elle ne le croyoit pas en si bonne compagnie, en souriant à lui et puis à moi. J’eus le temps de sourire aussi et de baisser les yeux avant que le Dauphin répondît. « Puisque vous m’y trouvez, madame, lui dit-il en souriant de même, allez-vous-en. » Elle fut un instant à le regarder