Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/386

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
et le mien avec elle. — Je donne un étrange avis à M. le duc d’Orléans, qui en fait un plus étrange usage avec Mme sa fille. — Je me brouille et me laisse après raccommoder avec lui, et je demeure très-froidement avec Mme la duchesse de Berry depuis. — Dégoûts du roi de M. le duc d’Orléans. — Dangereux manéges du duc du Maine, qui projette le mariage de son fils avec une sœur de Mme la duchesse de Berry. — Je travaille à unir M. le duc d’Orléans au Dauphin et au duc de Beauvilliers, [union] à laquelle je réussis.


Je voyois souvent le Dauphin en particulier, et je rendois aussitôt après au duc de Beauvilliers ce qui s’y étoit passé. Je profitai de son avis, et je parlai de tout au prince. Sa réserve ni sa charité ne s’effarouchèrent de rien ; non-seulement il entra aisément et avec liberté dans tout ce que je mis sur le tapis de choses et de personnes, mais il m’encouragea à le faire, et me chargea de lui rendre compte de beaucoup de choses et de gens. Il me donnoit des mémoires, je les lui rendois avec le compte qu’il m’en avoit demandé ; je lui en donnois d’autres qu’il gardoit et qu’il discutoit après avec moi en me les rendant. Je garnissois toutes mes poches de force papiers toutes les fois que j’allois à ces audiences, et je riais souvent en moi-même, passant dans le salon, d’y voir force gens qui se trouvoient actuellement dans mes poches, et qui étoient bien éloignés de se douter de l’importante discussion qui alloit se faire d’eux.

Le Dauphin logeoit alors dans celui des quatre grands appartements de plain-pied au salon, que la maladie de Mme la princesse de Conti, comme je l’ai remarqué lors de la mort de Monseigneur, fit rompre pendant le voyage suivant de Fontainebleau, pour y placer un grand escalier, parce que le roi avoit eu peine à monter chez elle par les petits degrés tortueux, uniques alors. La chambre du prince étoit dans cet emplacement ; le lit avoit les pieds aux fenêtres ; à la ruelle du côté de la cheminée étoit la porte de la garde-robe obscure par où j’entrois ; entre la cheminée et une des deux fenêtres, un petit bureau portatif à travailler ;