Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/396

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

au bout, et lui répondit que cet horrible bruit étoit public, qu’elle pouvoit elle-même, tout faux et abominable qu’il fût, se douter des conséquences qu’il pouvoit avoir, sentir s’il n’étoit pas important que M. le duc d’Orléans en fût averti, et que j’avois rendu de telles preuves de mon attachement pour eux, et de mon désir de leur union et de leur bonheur à tous, qu’il n’étoit pas possible qu’elle pût avoir le moindre soupçon contraire, finit brusquement par la révérence et sortir pour se venir coucher. Le trait me parut énorme.

J’allai l’après-dinée le conter à Mme la duchesse d’Orléans. J’ajoutai que, instruit par une si surprenante expérience, j’aurois l’honneur désormais de voir M. le duc d’Orléans si rarement et si sobrement, que j’en éviterois les risques les plus impossibles à prévoir ; et que, pour Mme la duchesse de Berry, je me tiendrois pour dit, et pour toujours, la rare opinion qu’il lui plaisoit prendre de moi. Mme la duchesse d’Orléans fut outrée. Elle se mit à dire de la chose tout ce qu’elle méritoit, mais en même temps à l’excuser sur la faiblesse du père pour sa fille, et à me conjurer de n’abandonner point M. le duc d’Orléans, qui ne voyoit que moi d’honnête homme en état de lui parler franc et vrai. La cause de la rupture lui fit peur. L’utilité journalière dont je lui étois auprès de lui, et à lui-même, si je l’ose dire, depuis que je les avois raccommodés, l’effraya encore d’en être privée. Elle ne me dissimula ni l’un ni l’autre, et déploya toute son éloquence, qui n’étoit pas médiocre, pour me persuader que l’amitié devoit pardonner cette légèreté, toute pesante qu’elle fût. J’abrégeai la visite, je ne me pressai pas de la redoubler, et je cessai de voir M. le duc d’Orléans. L’un et l’autre en furent bien en peine. Ils en parlèrent à Mme de Saint-Simon. Mme la duchesse de Berry que M. son père avoit apparemment grondée, essaya de rhabiller avec elle ce qu’elle lui avoit dit, quoique d’assez mauvaise grâce. Mme la duchesse d’Orléans m’envoya prier d’aller chez elle. Elle s’y remit sur son bien-dire, M. le