Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/405

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moi-même la dernière certitude par des gens non titrés, anciens, instruits, versés dans les usages de la cour et du monde, qui y avoient été beaucoup, qui avoient vu par eux-mêmes, et par d’anciens valets principaux. Je mettois les uns et les autres sur les voies, et par conversation je les enfilois doucement à raconter ce que je m’étois proposé de tirer d’eux. J’avois écrit à mesure ; ainsi j’avois tous mes matériaux, où j’avois ajouté à mesure aussi les pertes depuis mon temps, et dont j’avois été témoin avec toute la cour. Sans une telle avance, le recueil m’eût été impossible, et les recherches m’en auroient mené trop loin. Mais l’arrangement tel que le Dauphin le voulut fut encore un travail long et pénible. Je n’y pouvois être aidé de personne. M. de Chevreuse encore une fois n’étoit point à Marly. M. de Beauvilliers étoit trop occupé ; je n’osai même me servir de secrétaire ; néanmoins j’en vins à bout vers la fin du voyage. M. de Beauvilliers ne put repasser ce travail que superficiellement. M. de Chevreuse à qui je l’envoyai, l’examina à fond. J’allai le trouver après à Dampierre, de Marly, où je couchai une nuit. Il m’en parut content et n’y corrigea rien. J’y fis une courte préface adressée au Dauphin. Tout cet ouvrage se trouvera avec les Pièces. Il s’en peut faire, depuis qu’il fut achevé, un étrange supplément.

J’ajoutai un mémoire qui eût pu être bien meilleur s’il n’eût pas été fait si rapidement, mais que je crus devoir présenter au Dauphin dans tout son naturel, en lui en expliquant l’occasion. Ce fut lors de la sortie du cardinal de Bouillon du royaume, et de son impudente lettre au roi, que le maréchal de Boufflers me le demanda sur les maisons de Lorraine, de Bouillon et de Rohan, et avec tant de précipitation que je le fis en deux fois dans la même journée. Il croyoit pouvoir en faire usage dans un moment critique ; il n’en fit aucun, c’est toujours le sort de ce qui regarde la dignité. J’avertis le Dauphin que l’état des changements arrivés à notre dignité pendant ce règne étoit prêt à