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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/417

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la honte que je voulus encore lui faire de ses préventions et de ses manières à l’égard de M. Beauvilliers, ajouta de nouveau qu’il vouloit être pour jamais à lui et sans mesure, et qu’il lui tardoit qu’il le sût par lui-même. Je le priai de suspendre jusqu’à ce que j’eusse préparé le duc à la révélation de son secret, et, ce que je ne lui dis pas, à vouloir bien recevoir son hommage et se raccommoder avec lui. Il me conjura de n’y perdre pas un moment de protester au duc qu’il étoit à lui sans réserve ; qu’il le supplioit de trouver bon que son opinion au conseil lui demeurât libre en choses graves, mais qu’à cela près, il se rangeroit toujours à son avis toutes les fois que cela lui seroit possible ; qu’il n’y manqueroit jamais dans les choses qui ne seroient pas vraiment importantes, et que si, dans celles qui le seroient, il ne pouvoit pas toujours se ranger à son avis, il diroit le sien tout uniment, sans jamais contester ni disputer avec lui ; qu’enfin, il verroit, par toute sa conduite, combien exactement il rempliroit ses engagements, et combien en tout genre son dévouement et sa reconnoissance seroient fidèles et entiers.

J’allai de ce pas chez le duc de Beauvilliers, à qui je racontai sans détour toute la conversation que je venois d’avoir. Il rougit, et me demanda avec quelque petite colère qui m’en avoit prié. Je lui repartis que c’étoit-moi-même ; que je ne lui dissimulois pas que mon désir, et enfin mon dessein, avoit toujours été de le raccommoder avec le chancelier, dont le péril troubloit toute la joie de ma vie. Un peu de courte, mais de vive paraphrase que j’ajoutai en même sens, calma le duc jusqu’à me savoir bon gré, non de la chose, mais du sentiment qui me l’avoit fait faire. Je lui fis comprendre tout de suite assez aisément que, bien loin qu’il y allât le moins du monde du sien dans la situation où il se trouvoit, une générosité si gratuite et si peu méritée lui enchaînoit le chancelier et son fils, par une obligation de nature à ne pouvoir jamais s’en séparer, lui épargnoit la