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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/418

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peine d’achever de perdre l’un, et de continuer nécessairement par travailler à la perte de l’autre, que je ne regardois le fils que comme accessoire ; mais qu’une fois sincèrement réuni avec le père, j’étois persuadé qu’il y trouveroit des ressources qui le soulageroient en tous les temps, et qui deviendroient fort utiles à l’État. Le duc, tout à fait radouci, me chargea de compliments modestes pour le chancelier, et de lui dire qu’il étoit bien aise de montrer à lui et à son fils combien ils s’étoient mécomptés sur lui ; que les engagements qu’il vouloit prendre pour le conseil étoient trop forts ; qu’il étoit juste que tous deux y conservassent leur liberté entière ; que l’aigreur et la chaleur étoient les seules choses à y retrancher ; et qui l’assuroit aussi qu’il y seroit toujours le plus qu’il le pourroit favorable à ce qu’il jugeroit qui lui pourroit être agréable.

Tout de suite j’exigeai du duc et aussitôt après du chancelier, que mettant à part toute prévention réciproque sur les affaires concernant Rome et la matière du jansénisme, ils en parleroient mesurément en conseil, en y disant néanmoins tout ce qui feroit à l’affaire et à leur sentiment, mais de façon à se marquer réciproquement leur considération mutuelle, jusque dans ces choses qui les touchoient si fort tous deux et d’une manière si opposée. J’en eus parole de tous les deux et de bonne grâce, et tous deux l’ont toujours depuis tenue fort exactement. Je me gardai bien de rendre au chancelier la manière dont j’avois été reçu d’abord du duc de Beauvilliers ; je lui dit tout le reste. Il petilloit de sceller lui-même cette grande réconciliation avec lui ; mais le duc, toujours et quelquefois trop plein de mesures, voulut un délai de dix ou douze jours sans que j’en visse la raison. Je soupçonnai qu’ayant été pris au dépourvu, et comme par force, il crut avoir besoin de ce temps pour se dompter entièrement sur le chancelier, et ne rien faire de mauvaise grâce. Le chancelier toutefois ne s’en douta point, mais son impatience le porta à me prier de demander en grâce au