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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/445

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d’ambition, il ne pouvoit la satisfaire que par la guerre. Il l’aimoit et il étoit fort bon officier, et de même nom que le président de Mesmes, qui prenoit grande part à lui. Il étoit fort connu du roi, dont il avoit été page, et qui avoit ri quelquefois de ses tours de page, et de ce que la passion de la chasse lui avoit fait faire. Il ne balança donc pas à servir d’inspecteur qu’il étoit et partout où il put, mais sans être mis comme officier général sur les états des armées, parce que la permission seule des Anglois ne suffisoit pas pour cela. Il falloit quelqu’un d’intelligent pour commander l’été dans Bouchain, et on l’y mit parce qu’on ne crut pas que la place dût craindre d’être assiégée. Le cas arrivé, il fut question de savoir si Ravignan y demeureroit. C’étoit contrevenir très-directement à sa parole à l’égard des Impériaux et des Hollandois. Il est même si différent de servir en ligne parmi la foule, ou de se charger de la défense d’une place attaquée, que Marlborough avoit droit de trouver que c’étoit abuser de la générosité de sa permission. Les lois de la guerre n’alloient à rien moins qu’à excepter Ravignan de toute capitulation si la place étoit prise, et de le faire pendre haut et court, ce que Marlborough, quelque bonne volonté qu’il pût lui conserver, n’étoit pas en état d’empêcher. Cette matière amplement délibérée au camp, tandis que Ravignan s’y trouvoit, il fut résolu que son honneur ni la bonne foi de la guerre ne devoient pas être exposés, et on songeoit déjà à envoyer dès le soir même un autre commandant dans Bouchain ; mais Ravignan mit moins son honneur à garder sa parole, qu’à sortir d’une place, où il commandoit, à la vue des ennemis qui alloient former le siége. Il pressa Villars de l’y laisser retourner, et il fit des instances si fortes que Villars, outré d’un siége formé par ses fautes, et dont les suites étoient si terribles pour les campagnes suivantes, ne fut peut-être pas fâché d’en laisser la défense à un officier aussi entendu, et dont l’opiniâtreté seroit assistée de la perspective d’une potence.