Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/453

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feront sur l’esprit de la cour, quand elle les examinera, que de prévenir cette impression par des paroles toujours inutiles, lorsque les choses parlent d’elles-mêmes ; qu’il se contentera donc d’observer qu’entre les ornements étrangers qu’il paroît par le procès-verbal du lieutenant général de Lyon, que le cardinal de Bouillon a fait mettre sans aucun fondement à plusieurs endroits de l’église de Cluny, comme le manteau fourré d’hermine et un bonnet à peu près semblable à celui des princes de l’empire d’Allemagne, on trouve, soit dans le mausolée, soit dans les actes qui regardent la sépulture de la maison de La Tour, une vérité de dessins, dont toutes les parties tendent également à consacrer et immortaliser, par la religion d’un tombeau toujours durable, les prétentions trop ambitieuses de son auteur sur l’origine et sur la grandeur de sa maison ; c’étoit là ce que les statues, les inscriptions, les ornements et toute la structure de ce mausolée devoient apprendre à la postérité, et celui qui en a conçu l’idée s’étant flatté sans doute que l’on s’accoutumeroit insensiblement aux titres magnifiques que ce monument suppose et dont quelque jour il deviendroit une preuve, qui, après avoir paru longtemps aux yeux du public sans être contestée, pourroit enfin être regardée comme incontestable ; que le procureur général du roi, qui doit mettre au nombre de ses principaux devoirs l’honorable nécessité que son ministère lui impose de réprimer toute grandeur qui s’élève au-dessus de ses bornes légitimes, est d’autant plus obligé de le faire dans cette occasion qu’il s’agit ici, non d’un honneur vain et stérile qui ne fait point d’autre mal que de flatter l’orgueil de celui qui l’usurpe, mais d’une ambition aussi dangereuse que téméraire qui a jeté dans le cœur du cardinal de Bouillon ces principes d’indépendance et ces semences de révolte qu’il a fait enfin éclater par sa sortie du royaume et par cette lettre criminelle, par lesquelles il a mérité que la cour lui fît son procès comme à un coupable de lèse-majesté ; que, dans la nécessité où le procureur général du roi se trouve de s’élever contre l’ouvrage d’une vanité, si vaste dans ses vues et si pernicieuse dans ses effets, il espère au moins qu’il ne sera jamais obligé de l’imputer qu’à celui qui jusqu’à présent en paroît l’unique auteur, et qu’il présume assez de la sagesse et de la fidélité du reste de la maison de La Tour pour croire qu’entre tous ceux de cette maison qui sont dans le royaume, il ne s’en trouvera aucun qui veuille se rendre coupable de la faute d’autrui en entreprenant de la soutenir, et qui ne sente que leur véritable honneur consiste à savoir se renfermer glorieusement dans la solide et réelle grandeur de leur maison pour la transmettre d’autant plus pure à leurs descendants qu’ils l’auront déjà dégagée de tout ce qu’une fiction étrangère a voulu y ajouter de faux, et de chimérique ; mais que la justice que le procureur général du roi croit lui rendre en cela ne le dispense