Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/49

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son nom de baptême comme partout, mais encore son nom de maison et de ses armes, qui deviennent le nom et les armes du juif filleul et de sa postérité. Le père ou le grand-père de cette Jeanne Mendoze eut ainsi le nom et les armes de Mendoze de son parrain, et M. d’Estrades en décora ses armes et sa postérité après lui. Il y a d’excellents Mémoires du maréchal d’Estrades.

Maintenant il est temps de venir au procès que d’Antin intenta sur des chimères aussi folles que rances de l’ancienne duché-pairie d’Épernon, et aux adresses incomparables par lesquelles il sembla faire grâce au roi et aux ducs de le devenir, et à l’édit qui, à cette occasion, sous prétexte de grâces et de bienfaits, donna comme le dernier coup à une dignité que le roi voulut sans cesse abattre, et dont le sort étoit d’en recevoir des coups de massue à chaque occasion de procès de préséance que des chimères et l’ambition intentoient aux ducs. Ce récit, qui ne sauroit être court, et qui pourra même avoir des parties ennuyeuses, sert si fort à peindre les ruses d’un courtisan, la jalousie des autres, les artifices des bâtards, un intérieur de cour et de seigneurs peu connu, et à montrer à découvert les pierres d’attente et la préparation de grands événements de cour et d’intérieur d’État, qu’il ne sera pas un des moins curieux de ce genre.

On a vu, lors du procès de préséance de feu M. de Luxembourg, la tentative que firent les Estrées en faveur de Mlle de Rouillac, pour ce duché d’Épernon en sa personne, et que le comte d’Estrées devoit épouser en cas de succès, et qui fut depuis gendre de M. de Noailles. Ce coup manqué, feu M. de Montespan avoit passé avec elle tous les actes nécessaires pour succéder après elle à sa terre d’Epernon et à ses prétentions, et n’avoit rien oublié pour les tenir secrets, quoiqu’il n’eût pu se tenir d’essayer de prendre dans ses terres de Guyenne, où il demeuroit, le nom de duc d’Épernon, et de s’y faire moquer de lui. Il étoit mort dans ses idées, et d’Antin s’en étoit toujours nourri.