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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/48

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Il dépêcha ce fils au roi sur-le-champ. Il s’amusa à Bruxelles à une maîtresse, et donna ainsi le temps au prince d’Orange, qui étoit au désespoir d’une paix qui mettoit des bornes à sa puissance en Hollande, de donner la bataille de Saint-Denis à M. de Luxembourg, qui ne s’attendoit à rien moins, comptant la paix faite, et qui en reçut la nouvelle du roi le lendemain. Le prince d’Orange l’avoit dans sa poche avant le combat, mais il espéra la rompre par une victoire, et s’il ne la remportoit pas, profiter de la paix.

Estrades fit dire vrai encore à ce proverbe : Filii heroum noxæ. Il mena toujours une vie, obscure, avec peu de commerce, peu d’amis et moins de considération. Celle de son père, qui sut faire le marché si important du secours maritime des États généraux pour prendre Dunkerque, dont il eut le gouvernement après le maréchal de Rantzau, le lui valut après lui, et la mairie perpétuelle de Bordeaux. Son fils, devenu lieutenant général, voulut bien accompagner les enfants de M. du Maine en Hongrie, où il fut tué devant Belgrade en 1717, et a laissé des enfants qui n’ont pas percé dans le monde.

Le maréchal d’Estrades avoit deux fils qui valoient mieux que l’aîné. Le chevalier d’Estrades, attaché à M. le duc de Chartres d’alors, qui fut tué à la tête de son régiment à Steinkerque en 1692, et qui seroit devenu digne de son père ; et l’abbé d’Estrades, dont il sera parlé ailleurs.

On ne connoît rien au delà du grand-père du maréchal d’Estrades. Son père, qui étoit brave et sage, et qui avoit servi Henri IV contre la Ligue, fut successivement gouverneur du comte de Moret, bâtard d’Henri IV, et des ducs de Mercœur et de Beaufort, enfin des ducs de Nemours, de Guise et d’Aumale. La mère de celui-là étoit fille d’un conseiller au parlement de Bordeaux et d’une Jeanne, dite de Mendoze, qui étoit de race juive d’Espagne. On a parlé ailleurs de la ridicule coutume de ce pays-là, de donner aux juifs qui se convertissent, et dont on est parrain, non-seulement