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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/54

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puisqu’ils vouloient savoir ce qu’il falloit faire, et ne pas perdre un moment, la première démarche nécessaire étoit de signer une opposition à ce que nul ne fût reçu duc et pair à la dignité d’Épernon, et de la faire signifier au procureur général et au greffier en chef du parlement, moyennant quoi il n’y avoit plus de surprise à craindre ; la seconde, de nous former un conseil, que le meilleur, à mon avis, étoit de prendre ce qui restoit du nôtre contre M. de Luxembourg ; et que je m’offrois de pourvoir à ces deux préliminaires. Ils m’en conjurèrent avec mille protestations de courage et d’union.

Aussitôt j’exécutai par une lettre chez moi l’engagement que je venois de prendre. Rentrant au château, je trouvai M. de Beauvilliers, qui se jeta dans mon oreille, et me dit de ne me point séparer des autres ducs, de faire même tout ce que je pourrois contre d’Antin, mais de me contenir dans l’extérieur en des mesures d’honnêteté et de modération, et qu’il en avoit dit autant à son frère et à son gendre. C’étoit bien mon projet ; mais je ne laissai pas d’être surpris et encouragé de cet avis d’un homme si mesuré, surtout en ces sortes d’affaires.

Arrivant dans le salon, les trois qui m’avoient parlé, et que j’y avois laissés, m’avertirent de me trouver chez le maréchal de Boufflers dans une demi-heure, où ils se devoient rendre. Les ducs de Tresmes et d’Harcourt y vinrent. Je leur rendis compte de ce que je venois de faire, et je les réjouis fort de leur apprendre que les ducs de Mortemart et de Saint-Aignan seroient des nôtres, de l’aveu du duc de Beauvilliers, d’autant que le duc de Mortemart avoit répondu au duc de Villeroy qui lui avoit parlé, à ce qu’il nous dit là, qu’il consulteroit son beau-père. Nous raisonnâmes sur une liste de ducs sur lesquels on pourroit compter ou non. Chacun se chargea d’écrire à ses amis, excepté à ceux qui avoient des duchés femelles, quoique l’exemple de M. de Richelieu contre M. de Luxembourg