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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1856, octavo, tome 9.djvu/67

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Pièces, ainsi que celle de la prétention de Matignon au duché d’Estouteville [1]. Il perdit cette terre par un grand procès contre la duchesse de Luynes, héritière de la duchesse de Nemours. Il la racheta ensuite et forma sa prétention à la dignité. Je fis un mémoire sur cela, que je donnai au chancelier ; sur le compte qu’il en rendit au roi, la permission de poursuivre fut refusée. On verra aux Pièces l’ineptie de pareilles prétentions. J’y joindrois ce qui regarde celle d’Aiguillon qui n’est pas mieux fondée ; mais ayant été, depuis ce règne, portée au parlement, malgré le refus du feu roi et l’édit sur les duchés dont il sera parlé, le procès mal défendu de notre part et sollicité par Mme la princesse de Conti, qui en fit publiquement son affaire, réussit pour Aiguillon, comme fit, vers le même temps, la czarine pour la Courlande, et par les mêmes raisons, que ni l’une ni l’autre ne s’embarrassèrent pas de cacher. Ainsi les factums imprimés, quoique mauvais, font assez connoître de quoi il s’agissoit pour me dispenser d’en grossir les Pièces.

Tout ce qui reste pour le présent à ajouter sur l’affaire de d’Antin, c’est que nos sollicitations faites ensemble et en apparat contre lui l’étonnèrent fort, et qu’il se sentit tout à fait déconcerté sur la partialité du roi qu’il avoit adroitement su persuader au parlement. Les maréchaux de Bouffiers et d’Harcourt en parlèrent ensemble au roi en gens de leur sorte, et si bien, que le roi ne fut pas fâché de s’en trouver quitte pour une déclaration d’entière neutralité. Il la déclara tout de suite au premier président, avec ordre de la rendre de sa part à sa compagnie. Nous eûmes soin de nous assurer de son exécution MM. de Charost, d’Humières et moi, en allant chez le premier président qui nous la certifia, et de nous en procurer la dernière certitude par plusieurs juges qui nous certifièrent que le premier président l’avoit

  1. Voir les Pièces sur Épernon et sur Estouteville. {Note de Saint-Simon.) — Les anciens éditeurs ont supprimé ce passage depuis Cette explication jusqu’à d’engrossir les Pièces. Outre toutes les raisons du fond, on verra dans les Pièces que la terre d’Épernon avoit été vendue à Armenonville ; que d’Antin lui avoit fait parler si net par Monseigneur, qu’il la lui revendit ; que ce manége avoit été couvert par toutes sortes d’artifices, jusqu’à avoir retiré des notaires les deux minutes des deux contrats de vente et les avoir brûlées, parce qu’une vente éteint de droit un duché, et qu’il ne peut être recueilli que par héritage par celui qui a le droit le plus clair à sa dignité. C’est ce que d’Antin s’étoit voulu ménager. Il fut bien étonné de la découverte des deux ventes, et lui, et plus encore Armenonville, effrayés du parti que nous résolûmes, et dont nous ne nous cachâmes pas de les faire jurer. Il se trouvera encore parmi les Pièces que l’érection d’Épernon portoit une clause par laquelle tout roturier en étoit exclu, c’est-à-dire la femelle en droit de recueillir la dignité épousant un roturier, ce roturier ni sa postérité ne pouvoient succéder à la dignité qui s’éteignoit par cette clause. La prétention de d’Antin venoit de sa grand’mère, Christine Zamet, mère de M. de Montespan, qui étoit fille du fameux Sébastien Zamet, si connu sous Henri IV, qui s’intituloit plaisamment seigneur de un million sept cent mille écus, somme alors prodigieuse pour un particulier. Ce riche partisan avoit épousé une Goth, sœur et tante des Rouillac, dont la mère étoit sœur du célèbre duc d’Épernon, et morte avant qu’il fut fait duc. Or, pour s’en tenir ici à la roture et renvoyer tout le reste aux Pièces, ces Zamet étoient du bas peuple de Lucques, que la banque avoit enrichis et qui ne s’étoient jamais prétendus autre chose. J’écrivis donc au cardinal Gualterio de faire chercher par ses amis, et par l’autorité du grand-duc avec lequel il étoit intimement, tout ce qui pouvoit prouver juridiquement cette roture, de le faire authentiquer par la république de Lucques et de me l’envoyer.