Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/108

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et de ses soins pour le détail du gouvernement. Ce fut alors qu’il redoubla plus que jamais d’application aux choses du gouvernement, et à s’instruire de tout ce qui pouvoit l’en rendre plus capable. Il bannit tout amusement de sciences pour partager son cabinet entre la prière qu’il abrégea, et l’instruction qu’il multiplia ; et le dehors entre son assiduité auprès du roi, ses soins pour Mme de Maintenon, la bienséance et son goût pour son épouse, et l’attention à tenir une cour, et à s’y rendre accessible et aimable. Plus le roi l’éleva, plus il affecta de se tenir soumis en sa main, plus il lui montra de considération et de confiance, plus il y sut répondre par le sentiment, la sagesse, les connoissances, surtout par une modération éloignée de tout désir et de toute complaisance en soi-même, beaucoup moins de la plus légère présomption. Son secret et celui des autres fut toujours impénétrable chez lui.

Sa confiance en son confesseur n’alloit pas jusqu’aux affaires ; j’en ai rapporté deux exemples mémorables sur deux très-importantes aux jésuites qu’ils attirèrent devant le roi, contre lesquels il fut de toutes ses forces. On ne sait si celle qu’il auroit prise en M. de Cambrai auroit été plus étendue ; on n’en peut juger que par celle qu’il avoit en M. de Chevreuse, et plus en M. de Beauvilliers qu’en qui que ce fût. On peut dire de ces deux beaux-frères qu’ils n’étoient qu’un cœur et qu’une âme, et que M. de Cambrai en étoit la vie et le mouvement ; leur abandon pour lui étoit sans bornes, leur commerce secret étoit continuel. Il étoit sans cesse consulté sur grandes et sur petites choses, publiques, politiques, domestiques ; leur conscience de plus étoit entre ses mains ; le prince ne l’ignoroit pas ; et je me suis toujours persuadé, sans néanmoins aucune notion autre que présomption, que le prince même le consultoit par eux, et que c’étoit par eux que s’entretenoit cette amitié, cette estime, cette confiance pour lui si haute et si connue. Il pouvoit donc compter, et il comptoit sûrement aussi parler