Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/11

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nom de ce palais, dont à la fin on sut la destination. La chute entière de cette ambitieuse femme, qui se verra ici dans son temps, ne lui permit pas d’habiter cette belle demeure. Elle demeura en propre à d’Aubigny, qui y reçut très-bien les voisins et les curieux, ou les passants de considération, à qui il ne cacha plus que ce n’étoit ni pour soi, ni de son bien, qu’il l’avoit bâtie et meublée. Il s’y établit, il s’y fit aimer et estimer. Il y perdit sa femme qui ne lui laissa qu’une fille unique fort jeune ; ainsi il s’étoit marié du vivant de Mme des Ursins, ou aussitôt après sa mort, et cette fille très-riche a épousé le marquis d’Armentières, qui sert actuellement d’officier général, et qui en a plusieurs enfants. Orry, dès lors contrôleur général, en fit le mariage. Peu auparavant Aubigny étoit mort, et avoit chargé Orry du soin de sa fille et de ses biens, comme étant le fils de son meilleur ami, de ce même Orry qui avoit été plus d’une fois en Espagne, et dont plus d’une fois il a été parlé ici.

La campagne n’avoit été rien en Espagne ; il n’y eut que des bagatelles. L’archiduc, trop affaibli pour rien entreprendre de bonne heure, ne songea plus qu’au départ, dès que l’empereur son frère fut mort, et n’eut plus d’argent que pour la dépense du voyage. M. de Vendôme en manquoit aussi, et ne laissa pas de faire accroire longtemps aux deux cours qu’il feroit le siège de Barcelone, pour lequel il amassa des préparatifs. Le roi et la reine d’Espagne passèrent l’hiver à Saragosse, et l’été fort inutilement à Corella. Le duc de Noailles, destiné avec ses troupes, qui n’avoient rien à faire en Catalogne, à servir sous M. de Vendôme, étoit allé, dès le mois de mars, à la cour d’Espagne, où M. de Vendôme ne fut que de rares instants, sous prétexte des préparatifs de la campagne. La contrainte ne l’accommodoit pas, il aimoit mieux régner et paresser librement dans ses quartiers. L’été et l’automne s’écoulèrent de la sorte, et tout à la fin la cour d’Espagne retourna à Madrid. Elle donna la vice-royauté du Pérou au prince Caraccioli