Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

pour lui, » comme il ne se contraignoit pas de le dire en public, et jusque dans le salon de Marly, un mot enfin de père de la patrie, mais un mot qui hors de son règne, que Dieu n’a pas permis, seroit le plus affreux blasphème. Pour en revenir aux états généraux, ce n’étoit pas qu’il leur crût aucune sorte de pouvoir. Il étoit trop instruit pour ignorer que ce corps, tout auguste que sa représentation le rende, n’est qu’un corps de plaignants, de remontrants, et quand il plaît au roi de le lui permettre, un corps de proposants. Mais ce prince, qui se seroit plu dans le sein de sa nation rassemblée, croyoit trouver des avantages infinis d’y être informé des maux et des remèdes par des députés qui connoîtroient les premiers par expérience, et de consulter les derniers avec ceux sur qui ils devoient porter. Mais dans ces états il n’en vouloit connoître que trois, et laissoit fermement dans le troisième celui qui si nouvellement a paru vouloir s’en tirer.

À l’égard des rangs, des dignités et des charges, on a vu que les rangs étrangers, ou prétendus tels, n’étoient pas dans son goût et dans ses maximes, et ce qui en étoit pour la règle des rangs. Il n’étoit pas plus favorable aux dignités étrangères. Son dessein aussi n’étoit pas de multiplier les premières dignités du royaume. Il vouloit néanmoins favoriser la première noblesse par des distinctions. Il sentoit combien elles étoient impossibles et irritantes par naissance entre les vrais seigneurs, et il étoit choqué qu’il n’y eût ni distinction ni récompense à leur donner, que les premières et le comble de toutes. Il pensoit donc, à l’exemple, mais non sur le modèle de l’Angleterre, à des dignités moindres en tout que celles de ducs : les unes héréditaires et de divers degrés, avec leurs rangs et leurs distinctions propres ; les autres à vie sur le modèle, en leur manière, des ducs non vérifiés ou à brevet. Le militaire en auroit eu aussi, dans le même dessein et par la même raison, au-dessous des maréchaux de France. L’ordre de Saint-Louis auroit été beaucoup