Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/133

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mort de Monseigneur, à cause de la petite vérole qui l’avoit emporté, tous les fils de France suivis de tous les princes du sang et de tous les ducs avoient été en cérémonie, tous ensemble, donner l’eau bénite ; et pareillement ensemble les filles et petites-filles de France, suivies des princesses du sang et des duchesses. Les cœurs et les corps avoient été accompagnés de princes du sang et de ducs, et pour les princesses de beaucoup de princesses, de duchesses et de princesses étrangères, et de dames de qualité en plusieurs carrosses ; et les corps avoient été gardés longtemps avant d’être portés à Saint-Denis. En celles-ci, quoique doubles, et par conséquent plus nombreuses et plus solennelles, puisqu’on devoit faire autant pour chaque corps que s’il n’y en avoit eu qu’un, et que cela doubloit tous les accompagnements, on ne fit qu’une légère image de ce qui s’étoit toujours pratiqué pour un seul, tant pour la durée de la garde avant le transport, que pour l’eau bénite des deux corps à part, et pour les convois des deux cœurs ensemble, et après des deux corps ensemble. Le genre de ces étranges morts en fut en gros la vraie cause, et la hâte de débarrasser le roi à Versailles, et qu’il eut lui-même de n’avoir plus à ouïr parler de choses si douloureuses, et de n’entretenir pas l’excitation des propos, fit abréger tout et diminuer tout, et pour les cérémonies et pour le nombre des personnes qui y devoient assister. Il n’y parut ni fils de France ni prince du sang, mais le roi ne laissa pas d’avoir soin, malgré toute sa douleur et ses poignantes inquiétudes, d’y en faire jouer le personnage à ses deux fils naturels : l’un au convoi des corps, l’autre à l’eau bénite de la Dauphine, à la suite de Madame et de M. le duc d’Orléans et de trois princesses du sang seulement.

C’est la première fois que les hommes et les femmes aient été ensemble donner l’eau bénite en cérémonie. M. le duc d’Orléans unique en retourna donner en cérémonie au Dauphin ; l’autre avoit été pour la Dauphine seule avant que le corps du Dauphin fût mis auprès du sien. C’étoit séparément