Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/183

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armées de terre et de mer ; il mourut sans alliance, en 1578, à trente-cinq ans ; l’autre don Juan, fils de Philippe IV, né d’une comédienne en 1629, mort sans alliance en 1579, à cinquante ans, grand prieur de Castille, dignité qui donne la grandesse et cent mille écus de rente, et général des armées d’Espagne.

Philippe IV étant mort en septembre 1665, et la reine sa veuve devenue régente pendant la minorité de Charles II qui fut longue, don Juan fit un parti contre elle qui, après une longue lutte lui arracha toute l’autorité que don Juan exerça tout entière, et se fit grandement compter jusqu’à sa mort. Il eut une espèce de maison, usurpa comme chef de parti une grande supériorité sur les grands, et eut l’Altesse, à quoi, outre la nécessité des temps, ils se ployèrent plus facilement à cause de l’état des bâtards qui est particulier en Espagne, où s’est conservé ce reste des mœurs et des coutumes mauresques. On a vu [1], lorsqu’on a parlé des grands et de l’Espagne, que les bâtards de gens non mariés héritent à peu de chose près comme les enfants légitimes, à leur défaut, et deviennent même grands d’Espagne par succession. Il y faut garder pourtant certaines formalités faciles, et qu’il n’y ait point d’obstacles de famille qui leur préfèrent les oncles, tantes, ou cousins germains légitimes. Enfin cette première espèce de bâtards diffère en Espagne fort peu des enfants légitimes. Les bâtards d’un homme marié et d’une fille ne diffèrent des premiers que par plus de formalités et de restrictions ; mais ils succèdent aussi et héritent des grandesses. Don Juan étoit de cette seconde sorte ; ainsi son droit de succession à la couronne lui facilita l’Altesse, la supériorité de rang et tout ce qu’il voulut entreprendre, et qu’il soutint par les troubles dont il fut toujours l’âme et le chef, et par toute l’autorité et la réputation qui lui en

  1. Voy. t. III, p. 249 et suiv., les passages auxquels renvoie Saint-Simon et que les précédents éditeurs avaient rejetés au XIXe volume ; ce qui les avait forcés de modifier toutes ces phrases.