Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/187

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recueillit, paya, s’arrangea, et devint riche, dans sa vieillesse, dont elle sut faire un bon et honnête usage. Elle et le père de celui à qui elle laissa le fonds de ses biens étoient enfants des issus de germains. La branche de celui-là, distinguée par le nom de Saint-Remi, étoit depuis longtemps dans l’indigence. Le père de ceux qui se relevèrent et qui ont figuré pendant la régence de M. le duc d’Orléans devint l’aîné de sa maison en 1690, par la mort de tout ce qu’il restoit d’aînés de toutes les branches, et n’en fut pas plus à son aise. Il avoit épousé la fille de d’Aguesseau, maître des comptes, dont il eut la petite terre de Puysieux près de Beaumont vers Beauvois ; et ce maître des comptes, fort nouveau alors, est le grand-père de d’Aguesseau, chancelier de France avec diverses fortunes, depuis le 2 février 1717, et [qui] l’est encore depuis vingt-six ans. Saint-Remi mourut en 1712, à soixante-dix-neuf ans, et sa femme, en 1721, ayant eu la joie de voir la fortune de son neveu, mais sans être jamais sortis de leur village ni l’un ni l’autre, où leur maison ressembloit fort à une hutte, et où ils avoient peine à subsister. Ils eurent trois fils : l’aîné porta le nom d’Armentières ; le second fut envoyé sans sou ni maille page du grand maître à Malte ; le troisième porta le nom de Conflans, qui est celui de leur maison. Les deux aînés naquirent avec beaucoup d’esprit et d’envie de faire. Ils se roidirent contre la fortune, et, malgré leur pauvreté, ils trouvèrent le moyen de lire, de s’instruire et de s’orner l’esprit de sciences et d’histoire, aidés tous deux d’une fort belle mémoire, et assez avisés pour vivre tous trois dans la plus grande union. Conflans et Armentières servirent.

Conflans, qui n’avoit pas le sens commun, perdit sa jeunesse dans une citadelle où il fut enfermé près de vingt ans, pour s’être battu contre le fils unique de Pertuis, mort gouverneur de Courtrai, après avoir été capitaine des gardes de M. de Turenne, et fort estimé. Le chevalier de Conflans, revenu de ses caravanes, se battit en Angoumois, près de