Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

manchot, se battit avec lui et fut dangereusement blessé. De cette affaire, le bailli de Conflans fut congédié doucement par M. le duc d’Orléans, et perdit beaucoup de la considération qu’il avoit acquise dans le monde, qui se choqua du peu d’égard, et encore pour des choses de Malte que d’autres auroient plus décemment défendues, à la reconnoissance que lui et les siens devoient de toute leur fortune au père et à la mère du grand prieur. Il se retira chez Mme d’Armentières, sa belle-sœur, en même temps extrêmement du grand monde, et y vit dans la dévotion. Ces Conflans se prétendent issus de mâles en mâles de la maison de Brienne si connue par son antiquité, ses grands fiefs, ses grandes alliances, ses grands emplois, ses connétables, ses chambriers [1], et par des rois de Jérusalem et des empereurs de Constantinople, et ils sont donnés comme tels dans la généalogie de cette maison, donnée parmi celle des connétables par les continuateurs de du Fourny et du P. Anselme.

Mme de Villacerf, veuve de Villacerf qui avoit eu les bâtiments, et [qui avoit] été si bien avec le roi, et mère du premier maître d’hôtel de la Dauphine qu’on venoit de perdre, mourut fort vieille d’une saignée qui lui fut faite pour quelques légers accès de fièvre, où on lui coupa le tendon.

Mme Bouchu, veuve du conseiller d’Élat et mère de la comtesse de Tessé, fut plus heureuse. Elle cachoit un cancer depuis longtemps, dont une seule femme de chambre avoit la confidence. Avec le même secret elle mit ordre à ses affaires, soupa en compagnie, se fit abattre le sein le lendemain de grand matin, et ne le laissa apprendre à sa famille ni à personne que quelques heures après l’opération ; elle guérit parfaitement. Après tant de courage et de sagesse, [on la vit], pas longues années après, épouser le duc de Châtillon cul-de-jatte, pour la rage d’être duchesse, pour ses

  1. La charge des chambriers était a peu près la même que celle des chambellans ; ils avaient en outre la garde du trésor royal.