Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 10.djvu/197

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fut étonné qu’il s’en fût chargé après ce qui lui étoit arrivé à la mort de cette princesse ; indépendamment de cet événement la fonction n’étoit guère celle d’un confesseur.

Retournons maintenant sur nos pas, c’est-a-dire à ce voyage de Marly où les plaisirs recommencèrent comme je l’ai dit avant que l’enterrement de la France fût fait à Saint-Denis. On a vu (ci-dessus, p. 161) l’inquiétude de mes amis sur ma conduite unique avec M. le duc d’Orléans. Elle ne fit que s’augmenter. Je ne pus me rendre à leurs avis, que je pris longtemps pour des faiblesses de cour. À la fin leur concert, sans avoir pu se concerter pour la plupart, me fit faire des réflexions, sans toutefois mépriser moins les menaces de la colère du roi et du dépit de Mme de Maintenon, que je ne pus croire tels qu’ils m’en vouloient persuader, parce que je ne pouvois comprendre que moi de plus ou de moins avec M. le duc d’Orléans que tout homme et de toute espèce fuyoit sans ménagement et avec l’indécence la plus marquée, pût le rendre ou moins abandonné ou moins coupable aux yeux du monde. C’étoit pourtant ce dernier point qui faisoit mon crime et la peine où étoient les deux ducs de Beauvilliers et de Chevreuse, le chancelier et mes autres amis et amies. J’ai déjà dit que mon extrême douleur de la perte du Dauphin avoit éclaté. Elle éclatoit encore par ma retraite et ma tristesse ; elle m’avoit trahi. On se douta, et à la fin on démêla en gros la grandeur de ma perte ; on hasarda de m’en parler en me faisant compliment, car j’en reçus peu a peu malgré moi d’une infinité de gens qui la plupart vinrent chez moi où j’étois porte close le plus que je pouvois, et qui me rencontrant me disoient qu’ils y étoient venus pour me témoigner la part qu’ils prenoient à la grande perte que j’avois faite. J’avois beau détourner, écarter, répondre enfin avec la brièveté d’un homme qui glisse et qui ne veut point entendre, je ne persuadai personne, et il demeura pour constant à la cour et d’une manière publique que j’avois lieu